Allemagne : après les élections législatives27/09/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/09/2565.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : après les élections législatives

Depuis que les résultats des élections du 24 septembre sont connus, l’Allemagne semble entrer à son tour dans une période politiquement moins stable. Le parti de la chancelière, CDU/CSU, arrive encore en tête, mais ses résultats sont en baisse et les tractations avec différents partis pour tenter de former une coalition gouvernementale ne vont pas être simples.

Surtout, le paysage est bousculé par l’entrée au Parlement de députés du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui recueille 12,6 % des suffrages, plus que les sondages le créditaient. Pareil succès pour l’extrême droite au niveau national est une première depuis 1945, et beaucoup sont sous le choc.

Loin de la dédiabolisation du Front national en France, l’AfD a au contraire radicalisé son discours, menant une campagne abjecte, marquée par des provocations, des injures racistes, sexistes, et affichant même une forme de complaisance vis-à-vis du passé nazi. L’AfD a aussi personnalisé sa campagne contre la chancelière Angela Merkel, la faisant huer dans les meetings, lui promettant divers châtiments et pour le moins la prison pour avoir « illégalement » ouvert l’Allemagne aux réfugiés en 2015.

Au-delà de la question des réfugiés, d’un sentiment anti-immigrés qui progresse en Allemagne aussi, l’AfD surfe sur un sentiment de colère contre le discours selon lequel « tout irait bien en Allemagne » incarné par Merkel. L’AfD canalise et amplifie la colère contre la chancelière, ce qui est une manière de la détourner des vrais responsables capitalistes.

Reste que la haine propagée par les candidats de l’AfD résonne particulièrement en Allemagne, tant elle est inédite et de sinistre mémoire. Ce parti vient de repousser brutalement les limites de ce qui jusque-là pouvait ou non être dit. Et ce premier succès de l’extrême droite à l’échelle nationale aura des conséquences politiques. Un glissement à droite a déjà commencé à s’opérer, et va probablement s’aggraver dans les mois à venir.

Le parti de la chancelière, la CDU/CSU, arrive toujours largement en tête, même au terme de trois mandats et de douze ans au pouvoir. Mais, avec 33 % des voix, elle obtient non seulement moins que ce que lui prédisaient les sondages, mais surtout près de 2,5 millions de voix de moins qu’en 2013. Il y a indéniablement une certaine usure, qui ne s’explique pas seulement par la politique de Merkel vis-à-vis des réfugiés en 2015. La réalité est plus complexe. Si on compare les résultats non plus avec le succès de Merkel en 2013 mais avec l’élection précédente, celle de 2009, la CDU y avait obtenu des centaines de milliers de voix de moins tout en arrivant aussi en tête. Or il n’y avait pas encore l’arrivée d’un million de réfugiés, mais la misère et la précarité qui dégradent toujours plus les conditions d’existence de la population laborieuse, qui avait exprimé ainsi son dégoût.

Une partie des électeurs perdus par la CDU/CSU a choisi en nombre l’AfD, certains pour protester, d’autres par adhésion. D’autres électeurs de la CDU ont choisi aussi de voter pour le parti libéral, FDP. Ces électeurs-là, généralement issus de la petite-bourgeoisie, protestent contre ce qu’ils appellent la politique trop à gauche, « trop social-démocrate » de la chancelière, trop protectrice à leur goût envers les salariés et pas assez favorable au patronat. Ces idées sortent renforcées du scrutin, et les dirigeants chercheront à peser dans ce sens au sein d’un futur gouvernement.

Le SPD (parti social-démocrate) quant à lui, avec 20 % des voix, poursuit son déclin pour atteindre son plus bas score électoral. Son candidat, Martin Schulz, a immédiatement annoncé que son parti ne gouvernerait pas avec la CDU/ CSU et rejoignait l’opposition. Continuer à être le partenaire mineur d’une grande coalition, comme ces dernières années, signifiait assurément le suicide à petit feu. Le SPD tente donc une cure d’opposition, dont rien ne dit qu’elle lui réussisse.

Quant aux autres formations, Die Linke (gauche dite radicale), Verts, FDP, les sondages les donnaient dans un mouchoir de poche avec l’AfD, tous crédités d’environ 10 %. Mais la troisième place est emportée par l’AfD, et c’est le fait le plus marquant de l’élection.

Les tractations ont commencé entre FDP, Verts, CDU et CSU pour former le nouveau gouvernement. Sur bien des sujets, à commencer par les réfugiés, c’est un peu l’union des contraires, entre les Verts favorables à leur accueil et la CSU proche de certaines positions de l’AfD. Mais tout près de la mangeoire, il n’est pas dit que les uns et les autres se laissent arrêter par si peu.

Partager