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La Fête de Lutte Ouvrière
Les interventions de Nathalie Arthaud (lundi 1er juin)
Le courant communiste révolutionnaire a une très longue antériorité sur tous ceux qui se présentent comme de chauds partisans de l'unification européenne, alors qu'ils ne sont parvenus qu'à une Union européenne qui n'est pas vraiment une union et qui est loin d'englober l'ensemble de l'Europe.
Trotsky a affirmé la nécessité d'unir les peuples de ce continent dans des États-Unis d'Europe en octobre 1914, au moment où commençait la Première Guerre mondiale. Au moment où les bourgeoisies française, britannique, allemande envoyaient des millions d'ouvriers, de paysans, de petites gens, tuer et se faire tuer ou pourrir dans les tranchées de Verdun et d'ailleurs.
De la part du communiste qu'il était, la position de Trotsky n'était pas seulement une prise de position humaniste, et encore moins pacifiste. Elle reposait sur une compréhension solide du développement historique. Déjà à cette époque, le capitalisme avait tissé une multitude de liens entre les différents pays d'Europe et même bien au-delà. Déjà à cette époque, le développement économique étouffait dans le cadre des anciens États nationaux. Et contre les va-t-en-guerre qui invoquaient la patrie, Trotsky affirmait - et je le cite - que « pour le prolétariat européen, il ne s'agit pas de défendre la patrie nationaliste, qui est le principal frein au progrès économique, mais de créer une patrie plus grande, les États-Unis d'Europe, première étape sur la voie qui doit mener aux États-Unis du monde ».
Depuis, l'interdépendance des différents pays du monde a été poussée bien plus loin. Aujourd'hui, il est évident que bien des problèmes de l'humanité, la pollution des mers et de l'atmosphère, ou même simplement la gestion rationnelle des grandes ressources énergétiques, ne peuvent être réglés qu'à l'échelle mondiale.
Tous ceux qui se cramponnent à des frontières nationales datant de l'époque des calèches et de la bougie sont des réactionnaires. Ils le sont même et surtout lorsqu'ils présentent ces frontières comme des protections pour les travailleurs.
Non, ces frontières qui morcellent l'Europe, établies au hasard des guerres et des rapports de forces, n'ont jamais protégé les classes populaires. Au contraire, ce sont les classes populaires qu'on envoyait à la boucherie au nom de la patrie. Comme l'a résumé si bien Anatole France, « on croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels » !
Alors oui, l'unification de l'Europe est une nécessité depuis près d'un siècle. Mais les bourgeoisies qui dirigent la société ont été incapables de la réaliser. Les peuples d'Europe ont payé par deux guerres mondiales cette incapacité.
Après la Deuxième Guerre mondiale, la nécessité d'unifier au moins le marché des principaux pays impérialistes d'Europe occidentale s'est imposée aux bourgeoisies nationales sous peine de disparaître dans la concurrence mondiale face aux grands pays, plus riches ou plus peuplés, comme les États-Unis ou le Japon, la Chine ou l'Inde.
Mais aujourd'hui, après cinquante ans de tractations, l'Europe des bourgeois reste une juxtaposition d'États, chacun avec son drapeau, son hymne, son armée. Surtout, chacun est au service de sa propre bourgeoisie.
C'est une Union européenne façonnée par les politiciens de la bourgeoisie à l'usage de la bourgeoisie, une Union européenne qui s'est fabriquée dans des marchandages secrets par des compromis entre les bourgeoisies des pays impérialistes d'Europe occidentale, puis par l'absorption des pays d'Europe de l'Est.
Le premier nom de ce qui s'appelle aujourd'hui l'« Union européenne » était le « Marché commun ». Eh bien, c'était une dénomination moins hypocrite que celle d'aujourd'hui. Elle mettait en évidence que ce qui intéressait chacun des pays capitalistes, c'était l'accession au marché du voisin, la diminution progressive des douanes et des taxes, la liberté de placer et déplacer les capitaux. Les retombées positives pour la population elle-même, comme une plus grande liberté de déplacement des personnes, ne sont venues que plus tard, en quelque sorte comme des sous-produits.
En même temps qu'on abaissait les frontières à l'intérieur de l'Union européenne, on les rehaussait vers l'extérieur. L'Union européenne s'entourait de barbelés, au sens moral et matériel.
La frontière de Schengen coupe en deux l'Europe elle-même, séparant des peuples que leur histoire unit. Elle coupe les rives nord de la Méditerranée de ses rives sud. Il n'a jamais été aussi difficile qu'aujourd'hui pour des travailleurs algériens, marocains, africains, de venir et faire venir leurs familles en France.
Cette Europe-là n'est pas la nôtre
Eh bien, cette Europe, l'Europe forteresse, l'Europe qui, au lieu d'affaiblir le chauvinisme, la xénophobie, ne fait que les transposer à une autre échelle, cette Europe n'est pas la nôtre !
C'est aussi l'Europe des inégalités sociales à l'intérieur de chaque pays et entre pays européens. Elle était en ses débuts une alliance entre brigands impérialistes d'Europe occidentale, chacun ayant son arrière-cour sous-développée, colonies ou ex-colonies. Et si le capitalisme européen est riche et puissant, c'est évidemment par l'exploitation de ses propres travailleurs, mais c'est aussi du fait du pillage de ses colonies d'Afrique et d'Asie.
Sarkozy a eu le cynisme méprisant d'affirmer que le problème de l'Afrique, c'est qu'elle n'est pas entrée dans l'histoire. Mais que si !
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le capitalisme en train de se développer en Europe a fait entrer ce continent dans l'histoire par le trafic des esclaves, par la déportation de toute une partie de la population africaine vers les champs de canne à sucre des Antilles et du Brésil, puis vers les champs de coton des États-Unis.
La saignée n'a jamais cessé depuis. Seules, ses formes sont passées du pillage colonial au pillage financier, plus subtil mais aussi dévastateur.
Oui, l'Europe et l'Afrique, et plus particulièrement la France et son empire colonial africain, ont une longue histoire commune ! Mais, pour l'Afrique, elle est faite de sang, de drames, de pillages.
Alors, lorsqu'aujourd'hui les Sarkozy, Hortefeux et autres Besson sont fiers d'avoir fermé les portes devant les descendants de ceux à qui la bourgeoisie française doit une partie de son enrichissement, c'est abject et cela soulève le coeur ! (...)
La campagne de Lutte Ouvrière
Il reste encore quelques jours pour mener notre campagne. Même si les résultats des listes Lutte Ouvrière sont modestes, les quelques centaines de milliers de femmes et d'hommes de l'électorat populaire qui voteront pour nos listes montreront par là qu'ils partagent les idées et les objectifs que nous avons annoncés dans notre campagne. Ils ne pèsent peut-être pas beaucoup dans les urnes. Mais ils peuvent peser dans les luttes sociales d'aujourd'hui et de demain.
Les élections, ça va, ça vient. Aucune des élections qui se succèdent dans ce pays pour ainsi dire tous les ans n'a d'importance en elle-même. Ce qui est important, c'est que se manifeste et s'exprime à chacune d'entre elles un courant radical, un courant communiste dans la classe ouvrière.
Car, au-delà de notre activité militante quotidienne, notre objectif fondamental c'est que la classe ouvrière, en contestant le pouvoir économique et politique de la classe capitaliste, parvienne à la conscience qu'il faut qu'elle prenne elle-même le pouvoir et qu'elle l'utilise pour transformer radicalement la société, en expropriant la grande bourgeoisie.
C'est la seule voie pour permettre à la société de se débarrasser des classes exploiteuses qui la conduisent à la ruine, et de réorganiser l'économie sans exploitation, sans propriété privée des moyens de production, sans concurrence, sans course au profit !
Et cette transformation ne pourra pas se produire à l'échelle d'un seul pays, mais seulement à l'échelle du monde.
Voilà le fondement de l'internationalisme des communistes. Il est même inconcevable que des mouvements sociaux, que des luttes révolutionnaires, c'est-à-dire visant cette transformation sociale, puissent se développer dans un seul pays. Depuis, au bas mot, un siècle et demi, les grands bouleversements révolutionnaires se produisent à l'échelle européenne. La révolution sociale à venir sera européenne.
Alors, mais seulement alors, pourra émerger une * Europe des travailleurs + qui accomplira dans le même mouvement ces deux objectifs nécessités par notre époque : exproprier la bourgeoisie capitaliste, rendre la collectivité propriétaire de toutes les richesses et de tous les moyens de les produire, et en même temps transformer les frontières nationales en Europe en simples limites administratives, avant qu'elles ne disparaissent complètement.
Pour reprendre l'expression de Trotsky, * la patrie européenne + elle-même ne sera qu'une étape transitoire avant qu'émerge à l'échelle de la planète une société où les frontières qui séparent et opposent les hommes apparaîtront comme le souvenir d'un passé barbare, au même titre qu'apparaîtront ainsi l'exploitation de l'homme par l'homme et toutes les formes d'oppression qui en découlent. Le capitalisme aura cédé la place à une nouvelle organisation sociale, le communisme !