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Dans le monde
Crise financière : Les banques centrales au secours des spéculateurs
La crise dite des subprimes, ces prêts immobiliers à hauts risques, partie des États-Unis en août 2007, n'en finit pas de faire sentir ses effets. Malgré les affirmations sans cesse répétées que cette crise reste sous contrôle, sinon résorbée, elle continue à perturber l'ensemble de l'économie mondiale.
Vendredi 14 mars, la Réserve fédérale américaine, la Fed, c'est-à-dire la banque centrale des États-Unis, a sauvé de la faillite Bear Stearns, la cinquième banque d'affaires américaine, en invoquant une loi datant de 1932 et de la " Grande Dépression ", terme qui désigne la crise économique de 1929. La veille, on annonçait de graves difficultés pour le groupe de télécoms et d'armement Carlyle et la faillite probable de son fonds spéculatif spécialisé dans les subprimes. Bush déclare que la Fed " a les choses en main ". N'empêche qu'à Wall Street, la Bourse de New York, la cotation de toutes les banques recule et que les rumeurs vont bon train concernant des pertes gigantesques subies par Citigroup, la première banque américaine, et d'autres sociétés de premier plan.
Au cours de la semaine du 10 au 15 mars, cinq banques centrales, américaine et européennes, ont accordé 200 milliards de prêts à des banques en difficulté. De son côté, la Fed a mis en place un dispositif qui lui permet de prêter 200 autres milliards à quelques grandes banques privées. Ces milliards qui se déversent pourtant à flots n'arrivent pas à colmater les voies d'eau provoquées par la spéculation. Car le caractère douteux des subprimes a eu des effets dévastateurs - les financiers eux-mêmes appellent ce type d'actions en Bourse des " actions pourries " - et on a pu constater qu'une bonne partie des produits financiers reposaient sur ces actions douteuses, sans même qu'on puisse démêler les parties prétendument saines des parties pourries. Et comme à l'échelle du monde ils en détiennent tous, c'est toute l'économie, finance et industrie réunies, qui se retrouve contaminée par la défiance à l'égard des subprimes.
Depuis août 2007, les États et les banques centrales multiplient les interventions pour tenter de rétablir la confiance. Le 17 novembre par exemple, en une seule nuit la Banque centrale européenne avait accordé 350 milliards d'euros de crédits. Mais ces gestes, destinés à compenser les pertes des banques privées et des organismes financiers, contribuent au contraire à accroître les craintes et à accentuer la méfiance, et du même coup à aiguiser la voracité des gros spéculateurs, qui y voient l'opportunité de faire une bonne opération. Car la logique spéculative, si l'on peut parler de logique en l'occurrence, fonctionne sur ces calculs à court terme qui, en anticipant sur des gains immédiats, créent une fuite en avant qui en s'accélérant peut tout à fait se transformer en un mouvement incontrôlé. Ceux qui agissent ainsi n'ignorent rien des risques qu'ils font courir au système. Mais, après eux le déluge !
Quant aux effets immédiats de cette crise financière, on les voit déjà. Aux États-Unis, des milliers de gens ont perdu leur maison, des milliers d'autres ont été licenciés ou vont l'être dans les banques en difficulté. À la City, le quartier des affaires de Londres, 30 000 à 50 000 licenciements sont prévus à court terme. Et de toute façon, ces milliards distribués, dans l'urgence, pour venir au secours des organismes financiers en perdition, les gouvernements vont tout faire pour les faire rembourser, non pas aux responsables qui sont aussi les profiteurs de cette situation, mais à leur population. Déjà, on entend les ministres et leurs porte-parole nous expliquer ici, en France, que la situation sera longue à se résorber, qu'il faudra se serrer la ceinture durant des mois, voire des années, que les caisses sont vides. Sauf celles des grandes entreprises qui publient ce mois-ci des résultats montrant que leurs actionnaires ont rarement été aussi bien servis.