Allemagne : les retraites, un système injuste31/05/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/06/2861.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Allemagne : les retraites, un système injuste

Pendant le mouvement sur les retraites en France, nombre de porte-parole de Macron répétaient qu’en Allemagne l’âge de départ est déjà de 67 ans. De fait, l’âge légal de départ en retraite est effectivement élevé, mais il n’atteint pas encore 67 ans.

Depuis la dernière contre-réforme sous Angela Merkel (en 2007), cet âge est rallongé progressivement pour atteindre 67 ans en 2030 ; il est aujourd’hui à 65,7 ans. En 2030, pour partir à taux plein à 67 ans, il faudra avoir cotisé 35 années : loin des 43 annuités de France. Les carrières longues, à savoir les personnes comptant 45 annuités de cotisation, pourront, elles, partir en retraite à taux plein à 65 ans.

Depuis bientôt vingt ans, le nombre de personnes âgées vivant dans la misère ne cesse d’augmenter en Allemagne. L’une des causes est cette dernière attaque, en 2007, parce que peu de travailleurs peuvent tenir au-delà de 64 ans : aucun employeur ne veut plus de vous, ou bien la santé ne suit pas. Mais s’arrêter plus tôt signifie des pénalités, une retraite définitivement amputée. Ensuite, cette contre-réforme introduisait la capitalisation : la faiblesse des retraites doit inciter tous ceux qui le peuvent à placer de l’argent dans une retraite complémentaire. C’était introduire insidieusement la prévoyance privée et individuelle, en commençant à miner la gestion collective, un peu plus solidaire.

La CDU (droite) a récemment proposé de repousser encore l’âge de départ, à 69 ou même 70 ans, et de renforcer la part des retraites par capitalisation. Car c’est de cela qu’il s’agit d’abord : drainer de formidables sommes vers des fonds spéculatifs.

Dans la baisse continue des pensions de retraite, la raison plus fondamentale encore est la chute des salaires, surtout les plus petits, ceux que touchent les salariés précaires ou peu qualifiés. Le nombre de travailleurs pauvres qui, tout en travaillant à plein temps sont si mal payés qu’ils doivent postuler, en complément, aux aides sociales, ne cesse d’augmenter. Et le nombre de retraités obligés de continuer à travailler entre 65 et 74 ans a doublé depuis 2012.

Le taux de remplacement, donc ce qu’on touche par rapport au salaire, se monte à environ 45 % du dernier salaire. Ces dernières années, les pensions de retraite ont carrément décroché. En réaction, les gouvernements ont... baissé les cotisations patronales pour les retraites.

En moyenne, la ­retrait­e des hommes s’élève à 1 227 euros (avec très peu d’écart entre l’Ouest et l’Est), celle des femmes est de 1 082 euros à l’Est (où les femmes travaillaient presque toutes), mais de seulement 737 euros à l’Ouest ! Et c’est une moyenne, qui signifie que beaucoup de femmes, à l’Ouest, devraient se contenter de pensions de retraite de 300 ou 400 euros mensuels. Comment, dans ces conditions, vivre seule, se séparer d’un mari violent ?

Le nombre de celles et ceux qui ne perçoivent qu’une retraite de misère, quelques centaines d’euros, et ont déposé une demande de minimum vieillesse augmente sans cesse, de 12 % rien que l’an dernier. Longtemps, la situation des retraitées a été présentée comme une fatalité, voire une normalité : puisqu’elles travaillaient à temps partiel, quoi de plus logique que de toucher une retraite partielle ?

En réalité, même des femmes ayant travaillé à temps complet peuvent toucher des retraites dérisoires, ayant occupé des emplois dans des secteurs à très bas salaires majoritairement féminins, comme la petite enfance, l’aide à la personne, le nettoyage ou ­l’hôtellerie-restauration, la vente au détail (boulangeries, fleuristes, coiffeurs, prêt-à-porter...). En mettant bout à bout jobs à bas salaires, minijobs, intérim, temps partiel, interruptions de carrière, toutes conditions dans lesquelles les femmes sont surreprésentées, quoi d’étonnant à ce que leurs retraites soient misérables ? Sans même parler de leur travail domestique qui, lui, est totalement gratuit. Dans l’un des pays les plus riches du monde, des personnes âgées en sont réduites, après une vie de labeur, à collecter des bouteilles dans les poubelles pour les échanger contre la consigne.

Une autre injustice flagrante du système concerne la différence persistante entre l’Ouest et l’Est, trente-trois ans après la réunification allemande. Il vient certes d’être mis fin à l’injustice la plus grossière, l’écart arbitrairement fixé entre la valeur d’un point de retraite en Allemagne de l’Ouest ou de l’Est. Mais les retraites de l’Est ne rejoindront pas pour autant celles de l’Ouest, étant donné le chômage qui sévit à l’Est depuis la réunification et les salaires qui y sont nettement plus bas, de 25 % en moyenne !

Partout, le capitalisme vit des inégalités et des divisions, qu’il entretient sciemment. Pour obtenir des salaires et des retraites dont on puisse vivre dignement, les habitants de la partie orientale du pays, les femmes travailleuses ou les migrants, et finalement l’ensemble du monde du travail, n’auront pas d’autre choix que de se faire entendre, et de se battre toutes et tous ensemble !

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