Leur société

Marseille : l’émotion après les fusillades

Dans plusieurs quartiers populaires du Nord et du centre de Marseille, des jeunes ont été tués lors de fusillades liées au trafic de drogue qui ravage certaines cités. Des habitants y ont manifesté début mai.

l’émotion après les fusillades

Cela fait des années que les rivalités entre clans pour le contrôle du trafic de drogue génèrent régulièrement des règlements de comptes. Mais, ces dernières semaines, le nombre de fusillades s’est emballé, faisant 18 morts et de nombreux blessés graves en quatre mois, quand il y en avait eu 31 pour toute l’année 2022, déjà la plus meurtrière depuis dix ans. Le plus jeune avait 15 ans, il a été tué par balles devant un snack où il parlait avec deux amis. Le plus âgé, 63 ans, a été fauché par une rafale de kalachnikov alors qu’il jouait aux cartes dans un café avec d’autres retraités.

Ces règlements de comp­tes font non seulement de nombreuses victimes collatérales, mais ils frappent aussi les plus petits maillons du réseau, dans le but de terroriser le clan adverse. Cette guerre de territoires entre les principaux trafiquants rend la vie insupportable aux habitants des cités, qui voient leurs enfants, leurs frères, périr ou être grièvement blessés par des armes de guerre. « Nous ne sommes pas complices, le trafic ne nous fait pas vivre, au contraire on en meurt », résumait une habitante.

Le 1er Mai, des femmes ont défilé aux côtés des syndicats et des partis de gauche, derrière une banderole demandant « Justice pour nos quartiers » et dénonçant les assassinats impunis. L’après-midi, 80 d’entre elles se sont retrouvées au pied de la cité Félix Pyat, dans le 3e arrondissement, pour se rendre devant le commissariat de proximité quasi désert, avec des pancartes : « Police partout mais pas dans nos cités ! » ou encore « Où sont les renforts policiers et les emplois ? »

Dans ces quartiers, le chômage dépasse les 30 %, les petits boulots sont nombreux. Plus d’un habitant sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté. Les services indispensables à la vie quotidienne, poste, commerces, transports, sont insuffisants, les écoles et collèges surchargés. Une partie de la jeunesse se retrouve livrée à elle-même, devenant une proie facile pour des trafiquants de drogue sans scrupule, qui s’enrichissent sur la peau des jeunes qu’ils enrôlent.

Le 2 mai, un collectif d’habitants et de militants associatifs de la Busserine, une cité du 14e arrondissement, a tenu une conférence de presse pour dénoncer l’inaction de l’État alors que les quartiers s’enfoncent dans la misère. Le 3 mai, une marche blanche, à l’initiative de parents et d’habitants de la Joliette, dans le 2e arrondissement, a rassemblé dans une grande émotion plusieurs centaines de personnes, qui ont défilé depuis le collège Izzo jusqu’à la mairie centrale.

Tous avaient conscience que, pour en finir avec ces meurtres qui endeuillent les quartiers, il faudra bien plus que les larmes de crocodile de certains politiciens. Il faudra des emplois pour tous, des logements et des conditions de vie décentes. Il faudra surtout un autre avenir pour la jeunesse que celui que lui réserve cette société pourrie, où la plus grande pauvreté côtoie le siège social de la CMA-CGM situé à deux pas et riche à milliards !

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