Grande-Bretagne : le parasitisme social couronné10/05/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/05/2858.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : le parasitisme social couronné

À l’heure où de plus en plus de travailleurs britanniques peinent à joindre les deux bouts, le couronnement à 100 millions de livres du roi Charles III, samedi 7 mai, n’a pas suscité l’engouement populaire préparé depuis des mois dans les médias.

En Grande-Bretagne, si le taux officiel du chômage est très bas, les salaires le sont aussi et le nombre de personnes contraintes d’avoir recours aux banques alimentaires a été multiplié par deux depuis la pandémie. Dans ce contexte, le roi Charles III a prétendu organiser une cérémonie plus sobre, avec des lords en costume plutôt qu’en manteau d’hermine, « seulement » 2000 invités et 11 500 policiers. Ces sobres festivités auraient quand même coûté à l’État 115 millions d’euros, deux fois plus que le couronnement d’Elizabeth II il y a 70 ans. On comprend que le gouvernement n’ait pas été transparent sur le coût total de ce cirque.

La monarchie ayant de moins en moins la cote, le spectacle s’est voulu moderne, et a mis en avant femmes évêques et représentants d’autres écuries religieuses que l’Église anglicane dont Charles III est le chef… Mais où est la modernité, quand l’apothéose de la cérémonie est l’arrosage de la tête du roi par une « huile sainte » importée de Jérusalem pour lui garantir la bénédiction divine ? Macron, d’habitude si prompt à donner des leçons de rationalisme, a assisté sans broncher à cet étalage d’obscurantisme.

En fait, le président français était parmi les siens. La famille royale n’est pas qu’un reliquat du Moyen Âge, mais une vraie firme capitaliste passée maîtresse dans l’art de faire fructifier ses propriétés : elles lui rapportent 300 millions de livres par an, auxquels s’ajoute l’enveloppe annuelle versée directement par l’État (autour de 100 millions). À la tête d’un patrimoine personnel de 2 milliards d’euros, Charles III n’a même pas eu à payer de droits de succession sur l’héritage de sa mère.

Plus encore qu’une grande entreprise, la monarchie reste le symbole d’un système d’oppression et d’exploitation. C’est sous la monarchie et avec son assentiment que 3 millions d’Africains furent déportés, sur des navires britanniques, pour devenir esclaves dans des plantations possédées par des grandes familles qui, souvent, figurent parmi les plus riches de Grande-Bretagne. C’est sous la direction des monarques que l’Empire britannique prit possession d’un quart de la surface du globe, asservit un cinquième de sa population et mena des guerres coloniales. Il n’est pas si anodin que, le jour du couronnement, les forces de répression aient arrêté des militants républicains et écologistes qui avaient l’audace de vouloir rappeler le caractère réactionnaire de la monarchie ainsi que ses méfaits passés et présents.

Cela dit, le Royaume-Uni dont Charles III prend la tête n’est plus si uni que ça, notamment parce que le Brexit, minoritaire en Écosse et en Irlande du Nord, y a fait progresser le séparatisme. Quant au Commonwealth, mis en place par les classes dirigeantes britanniques pour ravaler la façade de l’Empire au moment des révolutions anticoloniales, il prend l’eau : plusieurs pays, sur les quinze dont Charles III est chef d’État, ne cachent pas leur volonté de devenir des républiques indépendantes, comme le Belize et la Jamaïque, en attendant peut-être l’Australie et le Canada. Enfin, de sondage en sondage, il se confirme qu’un nombre croissant de jeunes, au moins les deux tiers, sont indifférents ou hostiles à la monarchie. La meilleure place pour ce fatras d’un autre âge ? Comme le capitalisme : dans les poubelles de l’histoire.

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