Crise ukrainienne : l’impérialisme américain à la manœuvre16/02/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/02/2794.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Crise ukrainienne : l’impérialisme américain à la manœuvre

« Une action militaire pourrait arriver n’importe quand », a déclaré lundi 14 février le porte-parole du Pentagone, John Kirby. Le conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a été jusqu’à annoncer qu’elle « pourrait débuter pendant les jeux Olympiques », évoquant même l’invasion de pans du territoire ukrainien, de grandes villes, et même « un assaut rapide sur la ville de Kiev », la capitale de l’Ukraine.

Tout cela a semblé démenti dès le 16 février par la nouvelle du début de repli des troupes russes. Pourtant, à la suite du président Biden, Sullivan avait incité les Américains présents dans le pays à le quitter aussi vite que possible, de préférence dans les vingt-quatre à quarante-huit heures. Interpellé sur les preuves d’une menace immédiate, Sullivan a répondu qu’il ne pouvait pas dévoiler ses sources. Devant le scepticisme de certains journalistes, il a dû expliquer pourquoi, selon lui, il n’y aurait aucun parallèle à établir avec les mensonges américains sur les armes de destruction massive qui ont servi de prétexte à l’invasion de l’Irak en 2003 : « Dans le cas de l’Irak, le renseignement avait été utilisé et déployé de ce même podium pour commencer une guerre. Nous essayons d’empêcher une guerre. »

Ainsi la Russie est présentée comme s’apprêtant à déclencher une guerre pour mettre la main sur l’Ukraine. Les manœuvres militaires organisées par l’armée russe ne signifiaient pourtant pas que Poutine avait décidé une invasion. Le dirigeant du Kremlin est engagé dans un bras de fer avec l’impérialisme américain, où chacun montre ses muscles. En juillet 2021, c’est l’OTAN qui a organisé des manœuvres militaires en mer Noire, impliquant des forces d’une trentaine de pays, dont l’Ukraine.

Dans le conflit actuel, Poutine cherche à obtenir l’assurance que l’Ukraine ne rejoindra pas l’OTAN. Les dirigeants américains, eux, n’ont aucunement l’intention de prendre un tel engagement. Au contraire, leur politique consiste à renforcer leur présence militaire dans les États de l’ex-URSS qui ceinturent la Russie. Cette présence en Ukraine est déjà bien réelle, comme l’atteste l’annonce de l’évacuation de 150 conseillers militaires américains, membres de la Garde nationale de Floride, venus former et entraîner les soldats ukrainiens. C’est bien l’impérialisme américain qui est à l’offensive, n’hésitant pas à faire monter la tension diplomatique et militaire, entraînant ses alliés, le Canada, le Japon et l’Union européenne.

Depuis près de trois mois, l’administration de Washington se livre à une vaste manipulation de l’information, comme à chaque fois qu’il lui faut justifier une intervention quelque part dans le monde. Avec cette opération, Biden veut certainement se donner une nouvelle stature vis-à-vis de son opinion publique alors que, depuis l’évacuation en catastrophe de l’Afghanistan, ses concurrents républicains, à commencer par ­Trump, ne cessent de le présenter comme un président faible. Alors que sa cote de popularité est au plus bas, qu’aucune des réformes sociales promises n’a vu le jour et que l’inflation a atteint des niveaux inégalés depuis 1982, le président démocrate peut aussi vouloir utiliser cette crise politique extérieure pour faire diversion et susciter un réflexe d’union nationale derrière lui.

L’attitude de Biden va cependant au-delà de ces calculs à court terme. L’impérialisme américain a besoin que sa population soit prête à aller faire la guerre partout où les intérêts de ses capitalistes l’exigeront, comme il n’y a pas si longtemps en Irak et en Afghanistan. Pour cela, il faut la mettre en condition, la convaincre qu’il y a face à elle des régimes menaçant la liberté et la démocratie qui sont le dernier des soucis des dirigeants américains d’un bout à l’autre du monde, de l’Arabie saoudite à la Birmanie… Cette mise en condition s’étend aux populations d’autres pays occidentaux, comme la France dont les dirigeants, fût-ce avec quelques contorsions, s’alignent sur la diplomatie américaine.

Même si la guerre n’est pas pour ces jours-ci, les dirigeants occidentaux tiennent dès à présent à préparer leurs populations à la faire contre les méchants, russes ou chinois, tant ils sont conscients que la crise capitaliste les y poussera. Une guerre qui n’est en aucun cas dans l’intérêt des travailleurs.

Partager