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Pérou : Pedro Castillo vers la présidence

Au Pérou, sauf coup de tonnerre, mais la vie politique péruvienne n’en est pas exempte, le candidat de centre-gauche Pedro Castillo devrait remporter l’élection présidentielle contre la candidate de la droite dure, Keiko Fujimori. Il aurait la majorité absolue après le décompte de 95 % des votes.

Castillo l’avait déjà largement emporté contre Fujimori au premier tour en avril. Le fait qu’il ait finalement réussi au deuxième tour est un vrai succès, tant la campagne de ses adversaires a été violente. Les possédants, la mafia de droite qui domine le Parlement et les médias n’ont pas cessé de l’attaquer, annonçant que son élection conduirait à une situation aussi désastreuse qu’au Venezuela chaviste, ou en le traitant de communiste, ce qu’il n’est pas, ou de complice de la guérilla du Sentier lumineux.

En revanche, les mêmes avaient les yeux de Chimène pour la candidate Keiko Fujimori, qui tentait pour la troisième fois de s’emparer de la présidence. Elle est la digne fille de son père, qui purge une peine de prison pour corruption et pour la stérilisation forcée de centaines de milliers de femmes indiennes. Elle-même est poursuivie pour corruption et risque trente ans de prison, autant dire que cette troisième défaite électorale n’arrange pas ses affaires.

Mais il est facile de comprendre que, aux yeux des classes possédantes et de la classe politique péruvienne, cette candidate présentait toutes les garanties. Le Pérou est l’un des pays d’Amérique latine où la corruption est la plus ouverte. La droite parlementaire agit comme une mafia, n’hésitant pas à écarter du pouvoir un président qui prétendrait remettre de l’ordre dans la maison. C’est le sort qu’a connu le précédent président, et d’autres avant lui, et qui menace le nouvel élu.

Pedro Castillo n’est pas un politicien professionnel, mais un instituteur qui s’est fait connaître lors des luttes menées par les enseignants en 2017 et qui a une certaine influence dans des secteurs paysans. Il affirme vouloir privilégier dans son mandat l’éducation et la santé. Sur ce dernier point, il aura fort à faire car, avec plus de 180 000 morts, le Pérou est le pays où la pandémie a fait le plus de ravages en proportion de sa population. Son modèle politique est Evo Morales, qui a su en Bolivie, par le truchement de l’État, imposer des nationalisations et une répartition des richesses moins injuste, qui avait fait nettement reculer l’illettrisme et la pauvreté. Castillo voudrait faire de même, d’où la hargne de ses adversaires.

Castillo, loin d’être un communiste, est en fait ­ultra-conservateur sur bien des plans. Il s’oppose à l’élargissement du droit à l’avortement, entend s’en prendre aux migrants, et notamment aux réfugiés venus du Venezuela, envisage la création de milices armées contre la délinquance dans les quartiers et même de rompre avec une convention des droits de l’homme signée par le Pérou, afin de rétablir la peine de mort.

On verra ce qu’il en sera des promesses de Castillo et comment ses adversaires se mobiliseront pour tenter d’étouffer ses projets de réforme. Mais les classes populaires ne peuvent compter sur aucun sauveur suprême pour changer leur sort, et pas non plus sur celui-là.

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