Rwanda : l’État français complice jusqu’au bout du génocide17/02/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/02/2742.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Rwanda : l’État français complice jusqu’au bout du génocide

Avec l’ouverture des archives imposée par le Conseil d’État, de nouvelles preuves viennent s’ajouter aux témoignages dénonçant la complicité des dirigeants français dans le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994.

Le dernier document en date est un télégramme divulgué par le site Médiapart, demandant aux militaires français de laisser s’enfuir les responsables de ce massacre. François Mitterrand était alors président et Édouard Balladur Premier ministre. Depuis 1990 Mitterrand avait soutenu et armé les dirigeants extrémistes hutu qui préparaient le massacre de la minorité tutsi. Lorsque le génocide fut perpétré en 1994, il ferma les yeux. Ce n’est qu’après la déroute des génocidaires devant le Front patriotique rwandais que les dirigeants français mirent sur pied une intervention militaire, l’opération Turquoise. Son but initial était d’arrêter l’offensive du FPR sous prétexte de stopper le génocide en cours. Mais, la victoire du FPR étant déjà acquise, cette opération Turquoise dut se limiter à protéger une « zone humanitaire sûre » qui servit de refuge aux génocidaires en fuite.

Le télégramme en question émane d’un conseiller d’Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères. C’est une réponse à l’ambassadeur de France au Rwanda, qui l’interrogeait sur la conduite à tenir envers les responsables du génocide réfugiés dans la zone contrôlée par les militaires de l’opération Turquoise, et suggérait : « je n’ai d’autre choix que de les arrêter ou de les mettre en résidence surveillée. » La réponse du ministère allait dans un tout autre sens : « Vous pouvez utiliser tous les moyens indirects, en ne vous exposant pas, et notamment vos contacts africains, afin de transmettre à ces autorités notre souhait qu’elles quittent la zone humanitaire sûre », y était-il écrit.

Les autorités en question n’étaient autres que le président du gouvernement génocidaire, Théodore Sindikumwabo, et ses ministres. L’armée française prit immédiatement contact avec les militaires zaïrois pour organiser l’accueil du gouvernement en fuite. Installés au Zaïre, l’actuelle République démocratique du Congo, ceux-ci et leurs miliciens continuèrent à faire régner la terreur parmi les Hutu en fuite et s’en prirent bientôt aux populations voisines.

Ces révélations sont une leçon sur ce que cachent les justifications données par les gouvernants à leurs sales guerres. Derrière les prétextes humanitaires mis en avant, il y a toujours une politique impérialiste menée à l’insu des peuples, « en ne s’exposant pas » comme dit le télégramme. La méthode n’a pas changé, et ce sont parfois les mêmes hommes qui sont à la manœuvre.

L’auteur du télégramme, Bernard Émié, jadis conseiller de Juppé, est en effet l’actuel directeur de la DGSE, l’un des principaux services secrets français. Il détient à ce titre un rôle décisif dans les opérations de l’armée française, et vient d’ailleurs de faire une déclaration sur « la gravité de la situation au Sahel et au Levant, où des centaines de terroristes sont encore prêts à se battre ». Ce complice des génocidaires rwandais, sans surprise, justifie encore et toujours les interventions militaires de l’armée française. Jusqu’où ?

Partager