Leur société

Médias : Bolloré, prédateur et censeur

En annonçant l’introduction en Bourse de sa filiale Universal Music, le groupe Vivendi a vu le cours de ses actions grimper de 17 % en une seule journée. Derrière cette opération boursière, Vincent Bolloré est à la manœuvre, avec en ligne de mire le rachat d’Europe 1 et d’autres médias.

Après avoir consolidé la fortune familiale, bâtie dans la papeterie, en rachetant des sociétés dans le transport et la logistique, en particulier en Afrique, Bolloré a pris le contrôle de Vivendi en 2014. Ainsi il s’offrait un groupe international de production, d’édition et de communication. Vivendi possède tout ou partie d’Universal Music, ­Canal +, Havas, Editis (les éditions Nathan, Plon, Laffont, etc.). Universal, premier producteur de musique, encaisse des droits sur plus du quart des titres de musique ou de chanson vendus dans le monde, le recul des ventes de CD ayant été compensé par les droits sur les téléchargements en ligne. En vendant 20 % des actions d’Universal au chinois Tencent, Bolloré vient d’empocher 6 milliards d’euros. En cotant directement Universal à la Bourse d’Amsterdam, il compte doubler la mise.

Pendant que l’économie mondiale est plongée dans la crise et des centaines de millions de salariés dans l’angoisse du lendemain, Bolloré et ses semblables jouent donc au Monopoly, sans créer la moindre richesse ni la moindre infrastructure supplémentaire. Pour eux, la crise est une aubaine : ils profitent de la fragilisation de certaines entreprises, dans la culture ou les médias, pour les racheter à bas coût.

Bolloré ne vise pas seulement à augmenter sans fin la fortune familiale. Il utilise les milliards récupérés pour renforcer son poids dans la communication et mieux la contrôler. Déjà propriétaire de Canal + et de CNews, dont il dicte quasiment la ligne éditoriale, censure les émissions qui lui déplaisent et licencie les journalistes un peu trop indépendants, il est sur les rangs pour racheter Europe 1 et peut-être M6 et RTL. Il vient de racheter les journaux du groupe Prisma, dont le magazine économique Capital. C’est le site de ce journal qui avait révélé, en 2007, que Bolloré avait prêté son yacht à son ami Sarkozy, une indiscrétion qui ne se reproduira pas.

Par le biais d’Havas, principale agence de publicité en France, Bolloré peut aussi diminuer les budgets publicitaires des journaux dont un article lui déplaît. Le journal Le Monde avait ainsi perdu 7 millions d’euros de publicité, en 2014 et 2015, pour avoir décrit Bolloré comme « le plus grand prédateur de la place de Paris ».

En achetant des grands médias, Bolloré défend directement ses intérêts. Il peut vanter les mérites de tel ou tel chef d’État africain avec qui il fait des affaires et empêcher la diffusion d’informations sur une grève ou une révolte des travailleurs de l’un des ports qui lui appartiennent. Journaux, radios, télévisions : à toutes les époques, les médias ont été sous le contrôle de leurs riches propriétaires. L’indépendance et la liberté de la presse sont limitées à presque rien dans une société dominée par le pouvoir de l’argent. La boulimie de Bolloré l’illustre à grand échelle.

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