Leur société

Médicaments : des pénuries à rendre malade

La Ligue nationale contre le cancer a lancé lundi 14 septembre une campagne pour alerter contre les pénuries de médicaments dont souffrent de plus en plus de malades.

Ces pénuries, qui ne datent pas de la crise sanitaire actuelle, sont en augmentation permanente. Un rapport du Sénat d’octobre 2018 recensait déjà pas moins de 530 médicaments qui avaient été en rupture de stock ou en tension d’approvisionnement en 2017, soit dix fois plus qu’en 2008. L’année 2019 a battu tous les records : 1 499 médicaments ont été signalés en difficulté ou en rupture d’approvisionnement auprès de l’Agence du médicament, l’ANSM, 34 fois plus qu’en 2008.

Parmi ces médicaments difficilement disponibles, ceux traitant les cancers sont en bonne place. Mais ce ne sont pas les seuls. Des médicaments dosés pour les enfants, des antibiotiques ou encore des vaccins sont régulièrement introuvables. Le vaccin contre la tuberculose produit par Sanofi Pasteur a été en rupture plus de trois ans, après 2016, obligeant les praticiens à recourir, au prix de difficultés supplémentaires, à des produits de substitution. Celui contre l’hépatite B produit par GSK l’a été pendant des mois. En 2018, l’association France Parkinson lançait une pétition pour dénoncer la rupture de stock d’un médicament utilisé par 45 000 patients en France. Elle s’est prolongée durant des mois, du fait de la fermeture de l’usine américaine le produisant, et a grandement compliqué la vie des malades.

Comme l’a expliqué à la presse le professeur Axel Kahn, président de la Ligue nationale contre le cancer, la pénurie de médicaments « est vraiment un problème lié à la structure économique du marché ». La pénurie concerne souvent des médicaments ou des composés relativement anciens, qui ne sont plus couverts par des brevets et dont les prix ont été tirés vers le bas par la concurrence. Souvent, pour optimiser la rentabilité de ces molécules, une seule usine les fabrique en masse pour toute la planète. Ainsi ce n’est pas tant le lieu de fabrication, en Chine, en Inde ou aux États-Unis, qui est à la source des pénuries, mais la concentration de la production poussée par la logique capitaliste. Dans les usines, la production est elle-même optimisée pour le profit, les stocks et les postes d’ouvriers calculés au minimum, les cadences au maximum, multipliant les risques techniques. Au moindre problème, retard dans la chaîne d’approvisionnement de la ligne de fabrication, incident technique ou remise aux normes, l’usine s’arrête et la pénurie est mondiale. Pour les trusts de la pharmacie, peu importe le sort des malades.

Une société rationnellement organisée, ayant rompu avec le capitalisme, répartirait les lieux de production en prenant en compte les risques de rupture des chaînes de fabrication et de distribution. La production coûterait sans doute plus cher. Mais la santé ne devrait pas avoir de prix.

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