Violences policières, violences sociales17/06/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/06/2707.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Violences policières, violences sociales

Devant le succès des manifestations dénonçant les violences policières, les contrôles au faciès et le racisme courant dans la police, le gouvernement tente de discréditer leurs organisateurs et de déplacer le débat vers une impasse.

Interrogée sur France inter, Sibeth N’Diaye a laissé entendre que la famille d’Adama Traoré pouvait être manipulée par des associations antiracistes non universalistes, autrement dit des militants communautaristes cherchant à parler au nom de tous les Arabes ou de tous les Noirs, en tant que victimes spécifiques d’un racisme d’État. La veille, Macron avait dénoncé ceux qui veulent déboulonner les statues des colonisateurs en parlant « dun combat récupéré par les séparatistes ». Il reprend là le vocabulaire déjà utilisé en février à propos des quartiers qui échapperaient « aux lois de la République » et seraient contrôlés par les « islamistes politiques », ceux que Macron appelle des séparatistes.

Ce langage, utilisé pour décrire les quartiers dégradés par la pauvreté, soumis aux bandes de trafiquants ou à l’emprise de fondamentalistes, mais jamais pour décrire les ghettos de riches barricadés derrière leurs enceintes privées, était destiné à flatter les électeurs de droite et d’extrême droite. Aujourd’hui, Macron l’utilise pour discréditer les dizaines de milliers de jeunes qui dénoncent les violences policières. Prudent dans l’emploi de la répression, il manœuvre pour mettre en cause la légitimité de cette révolte, semer le doute sur les motivations des organisateurs et faire peur à ceux qui manifestent.

Mais les jeunes qui se rassemblent pour dénoncer la mort de George Floyd ou d’Adama Traoré ne sont pas manipulés. Les contrôles répétés, les insultes, les humiliations par la police, parfois les coups, eux ou leurs proches les vivent. Cette révolte est porteuse d’espoir. Il faudra cependant qu’elle aille au-delà de la simple dénonciation de la violence, du racisme et des injustices. Car la justice, cette société et ce pouvoir politique sont incapables de l’apporter.

La « justice républicaine » dont se gargarisent les politiciens de tous bords est avant tout destinée à maintenir un ordre social fondé sur le droit des patrons à faire des affaires en exploitant des travailleurs. La police est chargée de maintenir cet ordre coûte que coûte. Les policiers coupables de violences bénéficient d’une impunité systématique et du soutien sans faille des ministres de l’Intérieur successifs, car ils ont bien trop besoin de leurs « forces de l’ordre ». Le rôle de la police n’est pas de protéger la veuve et l’orphelin, mais la propriété privée. Il est d’empêcher les piquets de grévistes de bloquer une usine, ou d’aider les huissiers à expulser une famille qui ne peut plus payer son loyer. Il est de maintenir les pauvres et les exploités à leur place.

Le mépris pour les pauvres et les jeunes des quartiers, le racisme, les idées réactionnaires et tant d’autres préjugés courants chez les policiers, découlent avant tout du sale travail qu’on leur demande. Ce ne sont pas des dérives individuelles, mais le produit d’un système. Le combat pour y mettre fin ne peut pas être dissocié de celui pour changer la société. La révolte de la jeunesse doit s’élever jusqu’à cette conscience.

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