Covid-19 : quand la science assure le spectacle17/06/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/06/2707.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Covid-19 : quand la science assure le spectacle

Depuis le début de l’épidémie, le gouvernement a prétendu s’appuyer sur un conseil scientifique, aussi bien pour justifier le maintien du premier tour des élections municipales que pour élaborer des protocoles sanitaires. Des polémiques comme celle portant sur la chloroquine se sont retrouvées au premier plan et ont vu s’opposer toutes sortes de professeurs et de revues scientifiques.

Ainsi la science a semblé mise au cœur du débat, et en effet la réponse médicale à une maladie nouvelle ne peut être trouvée que grâce à la méthode scientifique. Il est heureux qu’au 21e siècle les solutions par la prière ou la magie ne soient prônées que par des minorités ridicules. Mais cela ne signifie pas que tous ceux qui se réclament de la science aient forcément raison.

À toutes les étapes du confinement, les ministres et professeurs se sont succédé pour vanter la rigueur et la rationalité de leurs décisions, mais ils sont apparus largement incohérents. Les masques étaient inutiles puis sont devenus obligatoires, par exemple. Mais le spectacle le plus curieux a été donné par les scientifiques eux-mêmes, notamment dans la question du traitement par l’hydroxychloroquine. Une des revues les plus prestigieuses du monde médical, le Lancet, a publié le 22 mai une étude concluant à la probable dangerosité de ce médicament dans le traitement du Covid-19. Mais le 5 juin, cette même revue retirait son article car les données utilisées ne seraient finalement pas fiables.

Une explication de tous ces errements est que le monde scientifique n’échappe pas à la logique économique et politique du capitalisme. Les revues scientifiques sont elles-mêmes devenues des entreprises très rentables. Le groupe Elsevier qui possède le Lancet, ainsi que 2 500 autres revues, a eu un chiffre d’affaires de 2,8 milliards d’euros en 2018 pour plus de un milliard d’euros de bénéfice. Cette rentabilité exceptionnelle s’explique entre autres par le bénévolat des auteurs, qui doivent parfois payer la publication de leurs articles. Les chercheurs voient leurs crédits de recherche dépendre en grande partie du nombre de leurs publications et cherchent donc à publier le plus possible. Cette course à la publication s’est encore accélérée dans la crise actuelle. Dans le journal Le Monde un groupe de médecins a relevé que dans la crise actuelle 15 000 articles ont été publiés sur le Covid-19 mais que dix seulement répondraient vraiment aux standards de qualité.

Une des vedettes scientifiques du moment, le professeur Raoult, est un bon exemple de cette intrication économique, politique et scientifique. Depuis 25 ans, il publierait plus de 120 articles par an. Il a multiplié les déclarations spectaculaires pour défendre le traitement qu’il préconise. Il reçoit le soutien de bon nombre de politiciens douteux comme Philippe Douste-Blazy, ancien ministre de la Santé de Jacques Chirac, ou Christian Estrosi, maire réactionnaire de Nice. Sans juger de ses idées en matière médicale, on peut estimer qu’une grande part de ses préoccupations n’a visiblement rien de scientifique.

Les connaissances scientifiques peuvent ouvrir des perspectives extraordinaires à l’humanité mais, comme pour tout le reste, la société capitaliste tend à ravaler la science au niveau d’un spectacle, ou d’une source de profits.

Partager