Le président et ses prédécesseurs17/06/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/06/2707.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le président et ses prédécesseurs

« La république n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire. Elle ne déboulonnera pas de statues », a affirmé Macron dans son allocution du 14 juin.

Il répondait aux manifestants qui, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Belgique et... en Côte d’Ivoire, n’ont pas attendu l’intervention des pouvoirs publics pour déboulonner les statues d’esclavagistes notoires ou débaptiser des rues. En France, des militants veulent ôter la statue de Colbert qui trône devant l’Assemblée nationale. Ce ministre de Louis XIV fut en effet l’instigateur de l’infâme Code noir régissant les plantations esclavagistes françaises au 18e siècle. Jules Ferry, présenté comme le père de l’école laïque obligatoire, mais qui fut le défenseur de la colonisation, du Tonkin au Congo en passant par la Tunisie, est aussi visé. Même Sibeth N’Diaye, porte-parole fidèle de Macron, est un peu gênée par l’existence de rues ou de places du général Bugeaud, conquérant sanguinaire de l’Algérie et massacreur de la rue Transnonain, ­actuelle rue Beaubourg, lors des émeutes parisiennes d’avril 1834.

La république de Macron est bonne fille : elle défend la mémoire de la monarchie absolue, de l’Empire et de tous les régimes qui se sont succédé depuis la Révolution française. Ces régimes, dont la république de Macron est l’héritière directe, ne furent pas seulement esclavagistes et colonialistes. Leur rôle était de défendre l’ordre, la propriété privée et les intérêts de la bourgeoisie en France et dans le monde. Cette république est née du massacre des ouvriers parisiens pendant la Commune de Paris en 1871. Elle n’est pas gênée d’honorer, par le nom donné à des boulevards ou des lycées, un Adolphe Thiers qui est couvert du sang de plus de 20 000 communards. Des guerres napoléoniennes à la guerre d’Algérie ou d’Indochine, en passant par la bataille de Verdun, il n’est pas un général honoré dans les villes françaises qui n’ait gagné ses galons avec le sang d’ouvriers ou de paysans d’Europe, d’Afrique ou d’Asie. Quant aux dirigeants politiques, ils ont la responsabilité de l’envoi de ces généraux.

Cette galerie des oppresseurs ne vaut pas que pour le passé. Des plaques de rues au nom de Giscard d’Estaing ou de De Gaulle ont été déboulonnées à Abidjan car ces personnages symbolisent bien la Françafrique et le néocolonialisme. En France aussi, les travailleurs ont de bonnes raisons de ne pas se reconnaître dans ces serviteurs de la bourgeoisie, qui ont recyclé Maurice Papon et tant d’autres vichystes, fait donner la police contre des grévistes et des manifestants, permis au patronat de licencier à sa guise.

Les travailleurs peuvent laisser à Macron et à sa république leurs glorieux et sanglants grands hommes.

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