Allemagne : l’extrême droite continue sa percée04/09/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/09/2666.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : l’extrême droite continue sa percée

Le 1er septembre, les Parlements de deux Länder (régions) de l’est de l’Allemagne, le Brandebourg et la Saxe, étaient renouvelés. Ces élections étaient scrutées de près, car l’ex-RDA est devenue un bastion de l’extrême droite. Et les résultats ont malheureusement confirmé une nouvelle progression de l’AfD (Alternative für Deutschland), dans un contexte de forte participation électorale.

L’AfD est arrivée en deuxième position dans les deux Länder. Ainsi en Brandebourg, l’AfD atteint 23,5 %, à seulement 2,7 % derrière le SPD (sociaux-démocrates). La CDU (chrétiens-démocrates) arrive loin derrière, avec 15,6 %. En Saxe, l’AfD totalise même 27,5 % des voix, 4,9 points derrière la CDU. Le troisième parti, Die Linke (gauche dite radicale), est très loin derrière, avec 10,4 %, le SPD ne recueille plus que 7,6 % des suffrages.

Quand on compare ces résultats de l’AfD avec ceux des précédentes élections régionales en 2014, la progression est spectaculaire.

L’AfD a fait campagne notamment sur l’insécurité, répétant pour tenter d’en faire une vérité le mensonge « immigration égale insécurité ». Dans des régions riches en lignite et tandis que les autres partis envisagent la fin de l’exploitation de ce charbon, l’AfD seule se prononce pour la poursuivre. Ce parti se donne ainsi l’image d’être le seul à s’intéresser au sort des mineurs et, plus généralement, des travailleurs. D’autant que trente ans après la réunification, le chômage reste plus élevé dans les Länder de l’Est et le niveau de vie plus bas. L’AfD se nourrit de tout cela et prétend même se poser en héritière des grandes manifestations qui en 1989 ont précédé la chute de la RDA.

Le pire n’est pas seulement que l’AfD soit plus forte à l’Est, elle y est aussi beaucoup plus radicale. Ses dirigeants appartiennent à la frange extrême de leur parti, qui ne cache pas ses affinités avec des groupuscules néo-nazis. L’AfD, qui n’existait pratiquement pas il y a dix ans, évolue donc à grande vitesse vers des positions toujours plus dures, entraînant avec elle une partie de la classe politique.

Quant aux deux partis gouvernementaux, SPD et CDU, ils continuent certes de subir des pertes, mais ils respirent, soulagés : arrivés en tête, ils pourront probablement continuer à gouverner chacun sa région, et c’est ce qui les préoccupe le plus.

Cela étant, former des coalitions ne va pas être facile : il faudra sans doute s’y mettre à au moins trois partis. Comme au niveau fédéral, la tendance à l’émiettement politique continue, entraînant une instabilité grandissante. Pour gouverner sans l’AfD, les partis se lancent dans des coalitions toujours plus hétéroclites. Ce qui donne du crédit à l’image antisystème que veut se donner l’AfD.

Enfin, et ce n’est pas non plus une bonne nouvelle, le parti qui a le plus perdu est Die Linke, né de la fusion d’éléments se voulant à gauche du parti socialiste à l’Ouest et de quelques héritiers du parti stalinien à l’Est. Lui qui recueillait encore autour de 25 % en ex-RDA il y a une quinzaine d’années, près de 19 % en 2014, il plafonne aujourd’hui autour de 10,5 % en Brandebourg et en Saxe. Ce n’est plus très différent de ses résultats à l’Ouest. L’une des raisons, en tout cas en Brandebourg, est l’usure du pouvoir, puisque Die Linke participe depuis dix ans au gouvernement avec le SPD. Il paye aussi son absence de perspective, comme de cohésion. Ce parti tient aujourd’hui du conglomérat de groupements, avec diverses tendances et plateformes. Pour regagner des franges de son électorat attiré par l’AfD, une partie de sa direction, avec notamment l’une de ses porte-parole, Sarah Wagenknecht, a multiplié des prises de position en faveur d’une immigration « maîtrisée », critiquant la politique de Merkel sur son choix d’accueillir les migrants. Elle a choisi de mettre en concurrence entre eux les plus pauvres, laissant entendre que les précaires et chômeurs d’Allemagne payaient pour l’arrivée des réfugiés. Toute une partie de Die Linke s’insurge contre ses prises de position, défendant toujours l’ouverture des frontières et la liberté de circulation. Mais au total, et selon les endroits, Die Linke perd des voix dans toutes les directions, au profit de l’AfD bien sûr, mais aussi du SPD comme des Verts.

En face de la menace d’extrême droite, même aujourd’hui cantonnée aux élections, les partis de gouvernement ne sont d’aucune utilité. Seule la classe ouvrière, sur son terrain, aurait la force d’endiguer le flot montant de la réaction. Encore faudrait-il qu’un parti lui propose ce chemin.

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