Dans le monde

Soudan : les tueurs du régime et ceux qui les soutiennent

Ce sont les Forces de soutien rapide (RSF) du général Hemetti, le numéro deux de la junte militaire soudanaise, qui ont dispersé dans la violence le 3 juin le rassemblement de manifestants qui se tenait devant le siège de l’état-major à Khartoum. Elles n’en sont pas à leur coup d’essai.

Ces nervis, qui ont commis et commettent encore aujourd’hui les pires atrocités à l’encontre de la population, meurtres, amputation, viols, corps jetés dans le Nil, ont sévi au Darfour sous le nom de « janjawids » avant de devenir des garde-frontières appointés par l’Union européenne pour s’opposer au passage des migrants.

Le dictateur Omar al Bachir, qui vient d’être remplacé, avait recruté ces assassins parmi les groupes arabes soudanais pour écraser la rébellion qui avait éclaté en 2003 dans la province du Darfour. Des cavaliers faisaient irruption dans les villages, violant les femmes avant de les tuer, assassinant les hommes et les enfants. Les habitations étaient brûlées et les survivants ne pouvaient que s’enfuir à travers la jungle vers les camps du Kenya ou de l’Éthiopie, mitraillés par les hélicoptères de l’armée soudanaise.

Dans ce pays où la population meurt de faim, il y a toujours eu de l’argent pour l’armée, financée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis et capable de mobiliser d’importants moyens contre la population. La répression au Darfour a fait des dizaines de milliers de morts et au moins un million de réfugiés. Quand d’autres provinces se sont soulevées à leur tour, dans les États du Kordofan et du Nil bleu, les janjawids rebaptisés « Forces de soutien rapides » ont été envoyés contre eux avec les mêmes méthodes. Ils sont aussi allés se battre au Yémen dans la coalition formée par l’Arabie saoudite, soutenant ainsi les parrains régionaux du régime d’Omar al Bachir.

Mais c’est aussi dans la chasse aux migrants que ces milices se sont rendues tristement célèbres, et dans ce domaine elles ont bénéficié de l’appui de l’Union européenne. En 2014, celle-ci lançait le « processus de Khartoum », établissant un partenariat avec les pays de la région, dont le Soudan, pour arrêter les migrants originaires de la pointe de l’Afrique bien avant qu’ils n’atteignent les côtes méditerranéennes. Des réfugiés soudanais parvenus en Italie devaient aussi être renvoyés dans le pays qu’ils avaient fui.

Une somme de 160 millions d’euros fut allouée en 2016 au régime d’Omar al Bachir pour jouer les garde-frontières de l’Europe, dont la plus grande partie servit à équiper les Forces de soutien rapides qui furent redéployées sur les frontières libyennes, égyptiennes puis érythréennes. Hemetti lui-même se vanta alors d’avoir arrêté des milliers de migrants. Ceux qui purent parler témoignèrent par la suite avoir été rançonnés, parfois torturés s’ils ne pouvaient payer ou donner le téléphone d’amis pouvant le faire, et accusèrent les milices d’Hemetti de s’être elles-mêmes transformées en passeurs. Elles géraient les camps de rétention des migrants avec les mêmes méthodes, ce que ne pouvaient ignorer l’Union européenne et en particulier les ministres de l’Intérieur de France, de Grande-Bretagne, d’Allemagne et d’Italie.

Aujourd’hui, c’est toute la population du Soudan qui est victime de ces méthodes criminelles, auxquelles les soudards du régime se sont entraînés en les exerçant contre les habitants du ­Darfour et les migrants. L’impérialisme et les classes dominantes qui lui sont liées ont besoin de tels mercenaires pour maintenir leur ordre, au prix du sang.

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