Essais nucléaires : plusieurs générations de victimes07/02/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/02/2584.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Essais nucléaires : plusieurs générations de victimes

Plus de quarante ans après l’arrêt des essais nucléaires atmosphériques dans le Pacifique, les petits-enfants de ceux qui ont travaillé au Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) en subissent encore les conséquences.

Le docteur Christian Sueur, responsable du service de pédopsychiatrie du centre hospitalier de Polynésie française jusqu’en 2017, vient de rendre public un rapport dénonçant le silence sur le sujet, silence imposé par l’armée française.

Sur les cinq dernières années, ce médecin a reçu 271 enfants souffrant d’anomalies morphologiques, de retards mentaux ou de troubles du développement tels que l’autisme. Plus des deux tiers de ces enfants avaient des parents ou des frères et sœurs eux-mêmes atteints d’une leucémie ou d’un cancer. Et dans l’île de Tureia, la plus proche de Mururoa où avaient lieu les essais nucléaires atmosphériques entre 1966 et 1974, près d’un habitant sur cinq souffre de maladies comme des cancers, des malformations ou des maladies neuropsychiatriques, pouvant être dues aux radiations émises par les bombes.

Un projet de recherche avait été mis en place par ce médecin, en collaboration avec une équipe japonaise spécialisée dans les conséquences des explosions nucléaires de Hiroshima et Nagasaki. Il visait à étudier les effets des essais nucléaires sur les cellules responsables de la reproduction chez ceux qui avaient travaillé au CEP. Mais la Délégation pour le suivi des conséquences des essais nucléaires (DSCEN) a décidé de mettre fin à cette collaboration.

Ce service dépend de la collectivité d’outre-mer, mais derrière, il y a les pressions de l’armée française. Dans bien des archipels, il n’y a que des médecins militaires. Ces derniers ont fait des études sur les populations, mais leurs observations ne sont pas rendues publiques.

Après 1974, les essais ont continué, tout en devenant souterrains. Cela n’a supprimé ni les conséquences directes sur les personnes présentes sur place à l’époque, ni celles sur leur descendance. Une employée de bureau du commissariat à l’Énergie atomique (CEA), responsable aujourd’hui de l’Association des vétérans des essais nucléaires, vient de témoigner elle aussi. Elle fut envoyée sur place deux fois trois mois en 1982 et 1983, en inter-rafales, c’est-à-dire entre les tirs nucléaires. Dès son retour de mission, elle fit de l’hypertension, puis deux fausses couches. Vingt ans plus tard, elle était touchée par un cancer de la thyroïde. Ses deux filles ont, elles aussi, développé des pathologies qui pourraient être liées à l’exposition de leur mère aux radiations.

En 2013, lors de l’ouverture partielle des archives de l’armée sur ces essais nucléaires, il fut révélé qu’elle avait sciemment laissé des civils et des soldats exposés aux radiations afin de pouvoir ensuite étudier les retombées des explosions nucléaires, les utilisant comme cobayes. Aujourd’hui, elle maintient sa chape de silence, visant à étouffer la colère de ses victimes, avec la complicité des gouvernements.

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