Médecine du travail : un vrai recul en perspective03/06/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/06/2444.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Médecine du travail : un vrai recul en perspective

Selon un rapport de l’Institut général des affaires sanitaires demandé par Marisol Touraine en novembre dernier, il est envisagé de réserver la vérification d’aptitude des salariés à certains postes à risque, de remplacer la visite médicale d’embauche par un examen de santé et d’espacer les visites intermédiaires de deux ans à cinq ans.

Le prétexte avancé est la baisse du nombre de médecins du travail, passé de 6 139 à moins de 5 000 entre 2006 et aujourd’hui. Leur nombre devrait tomber, selon le ministère des Affaires sociales, à 2 353 en 2030, chiffre d’une précision remarquable qui, bien sûr, ne suppose aucune embauche.

Afin de libérer du temps pour les médecins, il est ainsi préconisé de mettre fin à la vérification systématique de l’aptitude au travail. Le rapport utilise également l’argument d’un manque de continuité dans le suivi des intérimaires, saisonniers et autres CDD à répétition. Et pour cause, ces emplois précaires représentent désormais 90 % des embauches.

Il est donc proposé de limiter le contrôle de l’aptitude aux professions susceptibles de mettre en danger la santé de tiers, soit les pilotes d’avion, les conducteurs de train, les grutiers, etc. Les autres employés ne bénéficieraient que d’une visite médicale tous les cinq ans, contre tous les deux ans aujourd’hui, hormis les postes dits « à risque », comme ceux en travail de nuit.

Mais le rapport préconise aussi de remplacer la visite médicale d’embauche par un examen réalisé par un infirmier en santé au travail. Elle est jugée « chronophage » alors qu’elle n’est le plus souvent pas réalisée, puisqu’en 2013, 15 % seulement ont été assurées.

Le temps gagné permettrait, selon le rapport, que les médecins du travail se consacrent davantage aux visites sur site, afin d’y « analyser les risques professionnels et de proposer des adaptations du poste de travail ».

Les mesures ainsi présentées comme de bon sens, du fait de la réduction de l’effectif, sont dans la continuité des projets déjà énoncés dans l’avant-projet de loi, transmis par Macron en novembre 2014 au Conseil d’État. Cette partie du projet avait finalement été renvoyée à un autre dit de « simplification du Code du travail ».

Ce qui gêne le patronat est le fait qu’un salarié puisse être déclaré apte mais « avec réserves » et qu’il soit ainsi rendu plus difficile à licencier pour inaptitude. Le gouvernement voudrait donc faire sauter ce verrou accusé notamment de « peser sur l’embauche ».

Ce qui est envisagé est une véritable remise en cause de la médecine du travail, d’ailleurs déjà entamée avec la loi de Santé de Marisol Touraine votée en mars dernier. Plus que de « simplifier la vie des entreprises », il s’agirait d’un véritable recul, dont tous les travailleurs devront faire les frais.

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