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Dans le monde
Brésil : un crime raciste de trop
L’indignation a éclaté après l’assassinat d’un Noir par deux vigiles blancs sur le parking d’un supermarché Carrefour de Porto Alegre, tout au sud du Brésil.
Jeudi soir 19 novembre, Beto Silveira de Freitas, 40 ans, faisait des courses avec sa famille. Pour une raison mal éclaircie, pendant que sa femme payait à la caisse, les deux vigiles l’ont entraîné sur le parking et l’ont battu à mort. La police dit qu’il est mort d’asphyxie.
Le lendemain, c’était dans tout le pays le Jour de la conscience noire, ou Jour de Zumbi, le plus connu des chefs de quilombos, ces communautés d’esclaves fugitifs sans cesse renaissantes dans le Brésil colonial et esclavagiste. Zumbi a été tué en 1695, quand le quilombo de Palmares, entre Recife et Bahia, fut vaincu par une armée de 9 000 hommes. Plus de trois siècles après, il est resté le héros des Noirs et des antiesclavagistes, dans un pays où quatre siècles d’esclavage ont laissé bien des tares.
L’assassinat de Beto Silveira de Freitas rappelle l’assassinat de George Floyd aux États-Unis et il s’est trouvé naturellement au centre des manifestations affirmant encore une fois que « les vies des Noirs comptent ». À Sao Paulo, le magasin Carrefour du quartier bourgeois Jardim Paulista a été saccagé.
Il y a peu de Noirs à Porto Alegre et dans l’État du Rio Grande do Sul dont il est la capitale, mais ils ressentent d’autant plus la pression du racisme ambiant. Les Noirs et métis constituent presque la moitié de la population brésilienne mais, d’après l’ONU, ils fournissent les trois quarts des victimes d’assassinats. Les jeunes Noirs sont particulièrement touchés, au point qu’on a pu parler d’un génocide de la jeunesse noire.
C’est que les Noirs sont les plus pauvres. Face à eux, la police tire souvent à vue car pour elle un Noir est un voleur ou un bandit. Un des deux vigiles de Porto Alegre était un policier qui arrondissait ses fins de mois en faisant du gardiennage.
La direction de Carrefour a aussitôt réagi : son PDG, Bompard, s’est défendu d’être raciste, a licencié les responsables du magasin de Porto Alegre, et mis fin au contrat de la société de gardiennage. Carrefour a plus de 700 magasins au Brésil, 90 000 salariés. Sa situation de multinationale d’un pays impérialiste suscite la méfiance des Brésiliens pauvres, conscients d’appartenir au tiers-monde.
Le gouvernement brésilien n’a pas de ces scrupules. Bolsonaro a vaguement affirmé qu’il ne connaissait pas de différence de couleur entre les gens, pour attaquer aussitôt ceux qui sèment la discorde en dénonçant un racisme « qui ne fait pas partie de notre histoire ». Le général Mourao, vice-président, a répété qu’il n’existe pas au Brésil de problème de racisme, mais que « c’est une chose qu’on veut importer ». Pour eux, le problème n’est pas le racisme, mais les antiracistes !
En attisant le racisme, ces dirigeants politiques aimeraient diviser les milieux populaires et affaiblir leur résistance, au moment où ils envisagent de supprimer l’aide d’urgence contre l’épidémie que touchent 67 millions de Brésiliens et d’économiser des dizaines de milliards de dollars sur les salaires des fonctionnaires et sur les services publics en général.
La classe ouvrière brésilienne mêle si étroitement Indiens, Noirs, Blancs et Asiatiques que personne n’a jamais réussi à y introduire le racisme, bien présent en revanche dans les institutions et les couches dirigeantes. C’est heureux et c’est un atout dans la lutte contre les crimes racistes et contre la politique antiouvrière de Bolsonaro.