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Brexit : quand l’Europe se délite
Les nouveaux accords commerciaux et réglementaires entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne devaient être finalisés en ce mois d’octobre, afin d’être ratifiés par les Parlements avant la fin de l’année. C’était du moins ce qui était prévu pour rendre le Brexit effectif au 1er janvier 2021.
Pour l’instant, rien ne sort de ces négociations, si ce n’est les habituelles déclarations d’intention des négociateurs européens et les rodomontades tout aussi habituelles du Premier ministre britannique Boris Johnson.
Lorsque David Cameron, un des prédécesseurs de Johnson, avait organisé le référendum sur le Brexit en 2016, il voulait couper l’herbe sous le pied de ses concurrents souverainistes à l’intérieur comme à l’extérieur du Parti conservateur. Dans un contexte de poussée à droite et de montée des préjugés xénophobes, le vote pour la sortie de l’Union européenne l’avait emporté, contre l’avis de Cameron et de son gouvernement comme de l’opposition travailliste. Depuis lors, le Parti conservateur tente de gérer cette sortie que la plupart des capitalistes britanniques n’avaient pas souhaitée. Cela a conduit à mettre la droite souverainiste au pouvoir en la personne de Johnson, qui en profite pour aggraver les attaques antiouvrières, les mesures contre les immigrés, les campagnes et décrets xénophobes.
Le Brexit remet sur le tapis une série de problèmes, entre autres celui de la frontière irlandaise et celui de la pêche, qui semble être un des points d’achoppement des négociations actuelles. Chacun des petits États européens prétend régner sur sa bande côtière et sur les poissons qui y vivent. Or non seulement les harengs se déplacent comme bon leur semble, mais les bateaux de pêche ont depuis longtemps les moyens de les suivre où qu’ils aillent. Du fait de la géographie, les eaux britanniques sont à la fois très étendues et très poissonneuses, ce pourquoi les équipages français, espagnols, néerlandais, etc. les fréquentent. Les démagogues britanniques avaient promis à leurs électeurs que, en cas de Brexit, le pays récupérerait l’exclusivité de ses eaux, mais sans leur dire à qui ils pourraient vendre leur poisson, alors même qu’ils en exportent aujourd’hui les trois quarts vers l’UE. Or comment pouvaient-ils leur promettre à la fois de garder l’exclusivité des zones britanniques et les débouchés européens, en somme le bar et l’argent du bar ?
En France, les pêcheurs artisanaux se font entendre, inquiets de ne plus pouvoir accéder, en cas de Brexit, aux eaux territoriales britanniques. Mais ce n’est qu’un exemple de ce que le Brexit pourrait valoir aux populations, de ce côté-là de la Manche comme de l’autre. Quelle sera la situation des centaines de milliers de Britanniques vivant sur le continent, et celle des continentaux vivant en Grande-Bretagne ? Comment se passeront les échanges commerciaux permanents, témoins de l’imbrication des économies ? Quels produits seront taxés, à quel montant ? Les politiciens souverainistes britanniques auront-ils dans les autres pays des émules qui prendront des mesures du même genre ?
La construction de l’Union européenne a répondu au besoin des capitalistes européens de se donner une base économique à l’échelle de la concurrence mondiale. Cette union, même conflictuelle et incomplète, avait apporté l’abolition de fait de quelques frontières, la liberté de circulation et d’installation au moins pour certains ressortissants, une monnaie unique pour quelques pays, des échanges nombreux dans la jeunesse. Mais elle se délite à mesure que la crise économique s’approfondit.
L’Europe des capitalistes pourrait revenir à son état natif, hérissée de frontières, déchirée de guerres commerciales, et ses populations ne s’en trouveraient pas mieux, au contraire.