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Dans les entreprises
Travailleurs agricoles : les fruits toxiques de l’exploitation
En région PACA, de nombreux travailleurs détachés, employés sur des exploitations de fruits ou légumes, se sont révélés contaminés par le Covid-19.
Deux travailleurs agricoles ont dû être hospitalisés. L’un, de moins de 50 ans est encore en réanimation. Du coup, l’ARS (Agence régionale de santé) réalisait plus de 1 500 tests et découvrait quatre-vingts cas positifs chez les ouvriers agricoles dans les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse et le Gard à la date du samedi 6 juin. Les dépistages se poursuivaient.
Ces travailleurs agricoles saisonniers sont recrutés en Espagne par des sociétés d’intérim telles que Terra Fecondis ou Laboral Terra. Venus d’Amérique latine, du Maroc ou d’Afrique sub-saharienne, ils recherchent du travail à n’importe quelles conditions.
À la demande pressante des exploitants agricoles, le gouvernement avait autorisé leur venue en France à partir du 7 mai. Rien qu’en PACA, il manquait plus de 10 000 ouvriers agricoles pour récolter et traiter les fruits et légumes.
Ces agences d’intérim peuvent procurer aux agriculteurs des travailleurs à des prix cassés : selon un rapport de 2014, « de 13 à 15 euros de l’heure, contre 20 à 21 euros pour une entreprise d’intérim française ». Car ils travaillent parfois sept jours sur sept, entre douze et quatorze heures par jour, sans d’ailleurs que toutes ces heures leur soient payées ; pas plus d’ailleurs que les congés payés. D’après le calcul d’un syndicaliste, le résultat serait un salaire de l’ordre de cinq euros de l’heure. Les conditions de travail et d’hébergement dépendent de l’agriculteur chez qui ils sont employés. Certains s’avèrent corrects et humains, d’autres sont de véritables esclavagistes.
Terra Fecundis aurait dû passer en procès en mai pour répondre de quelque 112 millions d’euros de cotisations qui auraient échappé à l’Urssaf PACA, pour la période de 2012 à 2015. Ce procès a été reporté sine die du fait de la crise sanitaire.
Un autre procès, celui-ci contre le prestataire de service et l’employeur d’un Équatorien de 32 ans, mort de déshydratation en 2011 alors qu’il ramassait des melons n’a abouti, lui, qu’à un non-lieu. Son avocat a expliqué qu’il a été secouru trop tard. « Quand il est tombé privé d’eau, ses collègues n’ont pas appelé l’exploitant qu’ils ne connaissaient même pas, mais bien l’un des encadrants de la société d’intérim espagnole. Le temps qu’ils viennent et qu’ils le transportent à l’hôpital, son état s’était trop dégradé .»
Il n’est pas surprenant que ces travailleurs soient nombreux à être contaminés, puisqu’ils vivent souvent dans une grande promiscuité, sans installations sanitaires dignes de ce nom. Ils vont dans une même journée d’une exploitation à une autre. Certains ont été poussés par leur contremaître à se dissimuler pour échapper au dépistage, et continuer à travailler. Mis en quarantaine, certains ont cherché à s’enfuir. Depuis, les travailleurs confinés ne peuvent s’échapper du camping où ils sont confinés, alors qu’ils sont privés de ce fait de travail et de ressources.
Mais Terra Fecundis l’affirme : « leur approvisionnement sera assuré par la société ». Pas de quoi leur faire confiance !