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Leur société
Lycées : une jeunesse en colère
Vendredi 14 décembre, il y avait des cortèges de lycéens dans les manifestations organisées par les syndicats, souvent avec des enseignants présents à leurs côtés. Le 18 décembre, des lycées étaient de nouveau bloqués et des manifestations avaient encore lieu dans certaines villes comme à Lyon, Rennes ou Chalon-sur-Saône.
Toute la semaine dernière, des lycées ont continué à se mobiliser. À Mantes-la-Jolie, le 12 décembre, des jeunes et des enseignants ont manifesté en soutien aux lycéens arrêtés par la police. À Créteil, une centaine d’élèves du lycée Gutenberg ont défilé dans les rues de la ville le 13 décembre, et cinq élèves ont ensuite été reçus par le recteur en personne qui a affiché son mépris en les accusant de ne rien comprendre. Mais les élèves de filière professionnelle ne se sont pas laissé faire et ont trouvé le moyen de répondre vivement à l’arrogance du recteur. À Paris, des lycées polyvalents ont été bloqués, comme celui de Dorian dans le XIe arrondissement où des assemblées générales ont regroupé une centaine de lycéens et se sont tenues avec l’aide d’enseignants grévistes.
Dans bien des endroits, les élèves ont tenté d’organiser le mouvement. Ils discutent partout des moyens d’actions. Beaucoup estiment qu’on ne se fait entendre qu’en cassant. Et les interventions musclées de la police à la moindre agitation contribuent fortement à accréditer cette idée. Cela ne favorise certainement pas la prise de conscience que la force d’un mouvement de la jeunesse ne repose ni sur les blocages ni sur le nombre de poubelles brûlées. Dans certains lycées, souvent avec l’aide de professeurs, des jeunes ont essayé d’organiser des assemblées pour discuter des revendications, de la réforme du lycée et de Parcoursup, mais aussi et surtout de la lutte des gilets jaunes, de la situation politique et de leur avenir.
La jeunesse qui s’exprime depuis deux semaines est celle des classes populaires. Les jeunes qui descendent dans la rue savent que leurs parents ne vivent pas dignement de leur salaire ou de leurs allocations. Ils savent ce que coûte la vie bien avant d’avoir leurs diplômes. Dans des lycées de banlieue, des élèves demandent aux autres : « Il est plein votre frigo chez vous ? » Et effectivement, beaucoup de ces adolescents ne mangent pas à tous les repas. L’un raconte que c’est une voisine qui nourrit sa famille, une autre qu’elle ne mange pas le soir et travaille le week-end à Burger King parce que le salaire d’aide-soignante de sa mère ne suffit pas. Alors, rien d’étonnant à ce qu’un certain nombre de ces jeunes qui vivent ces injustices se disent « gilets jaunes ». Ils savent le mépris que cette société engendre contre les travailleurs dès le collège quand la question de l’orientation apparaît. Ils savent ensuite que dans les filières professionnelles, on cherche à les mettre dans des voies de garage sans avenir.
Plus des jeunes continueront à chercher des réponses à leurs questions, plus ils auront des chances de trouver une issue à cette colère. Comme le disait une jeune de Créteil : « Ça emm... Macron qu’on fasse de la politique ? Eh ben, c’est trop tard ! »