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Dans les entreprises
Siemens Automotive (Toulouse) : Grève pour les salaires
Siemens-Automotive SA est une entreprise de 2 250 salariés répartis sur 3 usines, et qui produit toute une série d'équipements électroniques destinés à l'industrie automobile. L'usine de Toulouse regroupe une partie de la production et les études, et le plus gros des salariés (1800). Les usines de Foix (dans l'Ariège : 250 salariés) et de Boussens (à 60 km de Toulouse : 200 salariés) sont des unités destinées uniquement à la production.
Cela faisait déjà plusieurs semaines que le mécontentement s'exprimait en Fabrication à propos des salaires : c'était la période des FFA, ces entretiens annuels destinés à permettre à la hiérarchie de distribuer quelques miettes à la tête du client.
A côté de cela, nombreux étaient les salariés qui se rendaient compte que la direction les baratinait en répétant à qui mieux mieux que " ça va mal " ; " ça allait mal ". Mais Siemens-Automotive avait trouvé 4,3 milliards d'euros pour racheter son concurrent VDO ! Et par ailleurs, jamais l'usine n'avait autant tourné à plein : les cadences augmentaient sans cesse, les ateliers se remplissaient de machines nouvelles, de nouveaux produits étaient mis en production et le chiffre d'affaires n'arrêtait pas de battre des records !
Alors, pour beaucoup, quand la direction venait pleurer misère, ça ne prenait plus, et l'idée qu'il fallait réclamer son dû commençait à faire son chemin.
À l'initiative de délégués CGT de l'usine, une première réunion de l'équipe de nuit a eu lieu en Fabrication : le problème des salaires a été clairement posé, et tout le monde était d'accord pour dire qu'il fallait une augmentation conséquente des salaires. Les travailleurs de cette équipe demandèrent que les autres syndicats soient eux aussi mis dans le coup.
La semaine suivante, mardi 2 juillet, ce fut au tour des équipes de matin et d'après-midi de se réunir en fin et en début de poste, cette fois-ci avec la participation de la CFDT : là encore, c'est le même mécontentement qui s'est exprimé et l'idée que l'on s'était assez moqué de nous.
Il fut décidé de convoquer une assemblée générale du personnel de toute l'usine pour le jeudi qui suivait.
Jeudi 4 juillet, c'est environ 250 salariés qui se sont retrouvés à cette assemblée, appelée cette fois par trois syndicats (CGT, CFDT et FO). Il y avait essentiellement la Fabrication et le Centre d'essais, les Bureaux n'étant que peu nombreux. Mais ça n'a démoralisé personne pour autant, et l'idée qu'il fallait faire grève était dans toutes les têtes : pour quelles revendications, ce n'était pas encore bien clair, mais ce qui revenait c'est qu'il fallait " une augmentation conséquente et uniforme des salaires ". Cette assemblée générale a donc voté à la quasi-unanimité la grève pour le mardi 9 juillet suivant, avec assemblée générale à 10 h. C'en était trop pour les responsables syndicaux de FO, qui disparurent... pour aller discuter en tête à tête avec la direction.
Aussitôt, la direction a cru bon de réagir en envoyant un courrier électronique dans tous les services pour mettre en garde tout le personnel et l'avertir... qu'il y aurait grève mardi ! Puisque c'était elle qui le disait...
Les ouvriers entrent en grève
le lundi 8 juillet, veille du jour décidé pour la grève, la direction a convoqué les syndicats pour leur faire une proposition : 30 euros pour tout le monde si la grève n'avait pas lieu. Les délégués présents répondirent que c'était ridicule, et que de toutes façons, ce serait l'assemblée générale du lendemain qui déciderait !
Le soir même à 22 h, l'équipe de nuit démarrait la grève à la quasi-unanimité, et ce malgré la visite nocturne de plusieurs directeurs qu'on n'avait jamais vus aussi tard à l'usine, et qui ont tenté de les dissuader de partir en grève... en vain.
Mardi 9 juillet donc, ce furent près de 300 salariés qui se retrouvèrent en grève et à l'assemblée générale : là encore, essentiellement la Fabrication et le Centre d'essais, mais cette fois-ci un peu plus de monde des Bureaux. La revendication de 150 euros pour tous et le paiement des jours de grève furent votés. Par ailleurs, il fut décidé que la délégation, qui irait enregistrer les propositions de la direction et rendre compte à l'assemblée générale, comprendrait des salariés non syndiqués volontaires, qui furent élus par les grévistes.
A Foix et à Boussens, les deux autres sites, ce fut la même chose : l'assemblée générale vota la grève comme à Toulouse, et tout le monde se tenait au courant des discussions chez les uns et chez les autres par téléphone portable.
C'était la première fois que les trois usines étaient en grève quasi totale chez les embauchés en Fabrication. Seuls les intérimaires continuaient à travailler, mais comme l'avaient calculé les grévistes, seules quelques centaines de pièces sortaient au lieu des milliers habituels.
A Toulouse, des salariées de la Fabrication firent plusieurs fois le tour des bureaux, réunissant à chaque fois à débaucher quelques grévistes de plus. L'assemblée générale était quasi permanente.
La direction commence à reculer
Cette journée de mardi fut une journée de valse-hésitation pour la direction : après avoir dit qu'elle n'irait pas au-delà des 30 euros initialement proposés, elle a reconvoqué la délégation quasiment toutes les heures, pour céder un peu plus à chaque fois pour finir en fin de journée à 50 euros si le travail reprenait tout de suite. Ceci dit, c'était 50 euros pour les salaires inférieurs à 1600 euros, et ça devenait dégressif au-dessus.
Mercredi, changement de ton : le matin, la direction n'avait plus rien à proposer, puisque le travail n'avait pas repris. Mais l'assemblée générale décida à plus de 300 de continuer la grève. Et comme le travail ne reprenait toujours pas, le soir, lors d'une entrevue avec la délégation, un des directeurs tenta le coup. Il était allé le plus loin qu'il pouvait... mais allez, si le travail reprenait tout de suite, il était prêt à aller jusqu'à 60 euros (toujours dégressifs), plus une prime équivalant à 950 F pour tout le monde, pour ne pas dire que les jours de grève seraient payés !
Là encore, malgré quelques hésitations et quelques flottements, les grévistes décidèrent de continuer. Certains, parmi lesquels les syndicalistes les plus " modérés ", reprenaient la barre de 80 euros " en dessous de laquelle il ne fallait pas descendre ". Et finalement, ce fut cette " barre " qui servit de base aux discussions à partir de là.
Jeudi, l'usine était toujours en grève. La direction manoeuvra toute la journée : elle fit miroiter une hypothétique " proposition intéressante " à la délégation, et elle reporta plusieurs fois la réunion jusqu'à ce qu'elle se tienne le soir à 21 h... lorsque tout le personnel de journée était parti. En guise de " proposition intéressante ", on passait à 70 euros pour les plus bas salaires, mais l'augmentation devenait plus vite dégressive, et la prime d'environ 950 F avait disparu.
La délégation ne s'engagea sur rien, ni les travailleurs de nuit présents, et il fut décidé d'attendre l'équipe du matin et l'assemblée générale du lendemain pour en discuter. Mais on sentait que, après quatre nuits de grève, l'envie d'en rester là commençait à poindre.
Le lendemain à 10 h, l'assemblée générale, qui réunissait toujours près de 300 grévistes, vota à une très forte majorité pour arrêter le mouvement, bien que le résultat soit en dessous de ce qui était demandé.
Mais tous les grévistes étaient bien contents d'avoir fait leur première vraie grève face au patron, et d'avoir réussi malgré tout à le faire reculer. Et ils sont bien conscients que c'est leur mobilisation qui a obtenu ce qui a été concédé, et rien d'autre. Une leçon qui portera ses fruits pour les prochaines luttes à venir.