États-Unis : les invisibles des supermarchés en grève19/01/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/01/2790.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : les invisibles des supermarchés en grève

Depuis le 12 janvier, 8 400 employés des 77 supermarchés King Soopers et City Market du Colorado sont en grève. Leur syndicat revendique une augmentation d’au moins 6 dollars (5,25 euros) de l’heure dans le nouveau contrat collectif.

Ces salariés essentiels n’ont jamais arrêté de travailler depuis le début de la pandémie, dégageant des profits considérables pour la maison mère Kroger. Kroger a fait 1,7 milliard de dollars de bénéfice net en 2020 et 2,5 milliards en 2021. Ces richesses sont revenues aux actionnaires, à qui le conseil d’administration a distribué 2 milliards de dividendes l’an dernier. En 2022, il a prévu de les enrichir encore en rachetant pour un milliard d’actions afin d’en faire monter le cours.

Les travailleurs, eux, voient leur pouvoir d’achat entamé par l’inflation, qui court à présent à un rythme annuel de 7 % aux États-Unis. Avec le prochain contrat, la direction voudrait imposer une échelle salariale plus basse pour les futurs embauchés. Un tel système, rejeté par les grévistes mais qui a cours dans beaucoup de grandes entreprises, peut engendrer des différences de salaire horaire du simple au double pour un même travail.

La direction ne veut pas, pour l’instant du moins, entendre parler d’un salaire plancher au-dessus de 16 dollars de l’heure. Pourtant elle recrute maintenant des employés à 18 dollars de l’heure pour remplacer les grévistes et garder certains de ses magasins ouverts.

La grève est l’occasion d’en savoir plus sur les conditions de vie des employés. Une étude portant sur ceux de Kroger, au Colorado et en Californie principalement, vient de montrer que les trois quarts vivent en état d’insécurité alimentaire, avant tout des parents célibataires qui sautent des repas et ne peuvent pas assurer une alimentation équilibrée à leurs enfants. Depuis 1990, les salaires ont reculé de 11 % face au coût de la vie. Des salariés marchent des kilomètres pour se rendre au travail car ils ne peuvent pas assumer le coût d’une voiture. 85 % n’ont pas d’horaire de travail fixe et ne connaissent pas leur planning à l’avance. 14 % ont été sans domicile fixe au moins une fois l’année dernière, ne pouvant payer un loyer, particulièrement dans les grandes villes comme Denver. Certains dorment dans une voiture.

Alors que le contrat des 33 000 salariés de Kroger en Californie expire le 6 mars, le combat des 8 400 grévistes du Colorado pourrait être le prélude d’un mouvement plus large. Comme l’a dit un syndicaliste : « Ce combat n’est pas seulement le nôtre au Colorado. C’est un combat pour le monde du travail et les salariés essentiels de tout le pays ».

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