il y a 30 ans

17 janvier 1991 : la première guerre du Golfe

Il y a trente ans, dans la nuit du 16 au 17 janvier 1991 commençait l’opération Tempête du désert : une coalition de 28 pays, dont la France, se retrouvait derrière les États-Unis pour mener la guerre contre l’Irak dirigé alors par Saddam Hussein. Le pays, qui sortait exsangue de celle qui l’avait opposé à l’Iran de 1980 à 1988, allait subir 40 jours de bombardement américain et allié. 40 000 civils et 100 000 soldats irakiens allaient perdre la vie.

Le 18 juillet 1990, parmi d’autres exigences, Saddam Hussein avait demandé au Koweït l’annulation d’une créance de 10 milliards, en grande partie contractée pour financer la guerre contre l’Iran, que l’Irak avait menée au bénéfice des puissances impérialistes. Le dictateur irakien pensait qu’elles allaient l’aider à sortir de la grave crise dans laquelle ces huit ans de guerre avaient plongé son pays. Il se trompait.

En l’absence de réponse, le 2 août 1990, l’armée irakienne envahissait le Koweït, pour tenter de se payer directement du service rendu. Saddam Hussein était depuis des années un des protégés des dirigeants impérialistes. Les tractations étant secrètes, comme elles le sont toujours, on ne sait pour quelles raisons il pensait qu’ils fermeraient les yeux. Sans doute Saddam Hussein était-il encouragé par le fait que George Bush (le père de George W. Bush), président des États-Unis depuis 1988, avait jusqu’alors satisfait toutes les demandes de crédit du régime irakien. Mais, en envahissant le Koweït, enclave créée artificiellement par l’impérialisme et possédant 10 % des réserves mondiales connues de pétrole, Saddam Hussein touchait cette fois trop directement aux intérêts des trusts pétroliers. Les dirigeants impérialistes allaient le lui faire payer. Ils n’allaient pas tolérer ce qui apparaissait comme une manifestation d’indépendance à leur égard et le signe que le dirigeant de Bagdad voulait faire de l’Irak une puissance régionale, y compris en s’appropriant une part des revenus pétroliers.

Après que les troupes irakiennes eurent envahi le Koweït, ce 2 août 1990, les dirigeants impérialistes orchestrèrent donc une campagne aussi hystérique qu’hypocrite contre cette « violation du droit international », pour préparer l’opinion à une intervention militaire. Du jour au lendemain, les mêmes dirigeants occidentaux qui avaient armé Saddam Hussein, avaient été ses bailleurs de fonds et n’avaient jamais rien dit contre les massacres commis dans le passé contre sa propre population, se mirent à le dénoncer comme un dictateur à abattre, le « nouvel Hitler ». Les médias aux ordres relayèrent cette campagne en protestant contre cette prétendue atteinte à « l’indépendance » du Koweït, enclave pourtant totalement artificielle, et à la « démocratie » de ce territoire dirigé par un grand féodal.

Le 3 janvier, le Congrès américain approuvait l’usage de la force contre l’Irak. La France du socialiste Mitterrand se mit de la partie. Le 16 janvier, le recours à la force était soutenu par 90 % du Parlement français. Dès le premier jour de l’opération Tempête du désert, l’aviation française participa aux bombardements aériens.

Après cinq semaines et demie de combats, de bombardements puis de guerre terrestre, que les médias occidentaux tentèrent de cacher en prétendant qu’il s’agissait de frappes chirurgicales ne pouvant pas atteindre des civils, Saddam Hussein annonça le retrait de ses troupes du Koweït. Le 3 mars, un accord de cessez-le-feu temporaire était signé. L’Irak vaincu, Bush senior ne voulait pas pour autant faire tomber son régime, dont il avait encore besoin.

En effet, aussitôt la guerre finie, éclatèrent des soulèvements au Kurdistan et parmi les populations chiites du sud du pays, qui avaient pris au sérieux les appels de Bush à se révolter contre le dictateur. Les troupes occidentales restèrent alors l’arme au pied, en attendant que l’armée irakienne qui gardait encore assez de force ait écrasé les insurgés, faisant entre 30 000 et 60 000 morts. Et ce ne fut qu’en avril 1991, après que l’insurrection kurde eut été écrasée, que les dirigeants occidentaux intervinrent en imposant une zone d’exclusion aérienne au nord du pays, dont une partie passa par la suite sous le contrôle partiel des Nations unies.

L’attitude des dirigeants des États-Unis fit scandale, mais il est clair qu’ils ne voulaient pas que la chute de Saddam Hussein risque d’entraîner une situation révolutionnaire. Celui-ci ayant montré depuis des années son efficacité pour réprimer les masses de son pays, mieux valait compter sur lui pour continuer à le faire. Ce calcul parfaitement cynique, dont les dirigeants impérialistes sont coutumiers, allait permettre à leur homme de main de rester à la tête du pays pour la décennie suivante, pour gérer la situation catastrophique entraînée par la guerre.

La population paya le prix fort. Aux dizaines de milliers de victimes tuées lors de la guerre et durant la répression opérée par l’armée irakienne s’ajouta l’exode de près de 2 millions de Kurdes vers la Turquie et l’Iran. 92 % des centrales électriques, 80 % des raffineries, la quasi-totalité des complexes pétrochimiques, des centres de télécommunications, des ponts, des voies de communication étaient détruits. Un expert de l’ONU estimait à la fin 1991 que le réseau électrique avait été ramené à son état d’avant la Première Guerre mondiale. Toute la société revenait des décennies en arrière.

Cela n’était malheureusement pas terminé. Les dirigeants impérialistes étaient décidés non seulement à punir jusqu’au bout ce régime qui avait osé les braver, mais aussi à briser son peuple à coups de privations. L’embargo imposé ensuite allait être responsable d’un million de morts.

Pour le peuple irakien, la guerre ne devait en fait plus jamais finir. En 2003, les États-Unis s’engagèrent dans une nouvelle guerre contre l’Irak, suivie d’années d’occupation. L’écroulement du régime de Saddam Hussein, la destruction totale de son État sur fond de misère générale allaient laisser la place à une instabilité chronique dans laquelle prolifèrent des milices de toute obédience, chiites ou sunnites. Parmi elles, l’organisation État islamique allait instaurer sa dictature sanglante.

Dans un pays détruit, la population irakienne subit toujours aujourd’hui les conséquences de cette politique des puissances impérialistes, prêtes à toutes les barbaries pour maintenir leur domination.

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