France-Antilles : dans l’escarcelle de Xavier Niel11/03/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/03/2693.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

France-Antilles : dans l’escarcelle de Xavier Niel

Le 30 janvier, l’entreprise France-Antilles a été placée en liquidation judiciaire. Elle éditait depuis soixante ans le quotidien du même nom en Martinique et en Guadeloupe, ainsi que France-Guyane.

Le 10 mars, le tribunal de commerce de Fort-de-France a finalement accepté le plan de reprise de Xavier Niel, propriétaire de Free et actionnaire du journal Le Monde et de Nice-Matin, alors que les rotatives de France-Antilles étaient à l’arrêt depuis un mois.

Mais le milliardaire n’a proposé de reprendre que 126 salariés sur 235, soit à peine plus d’un sur deux. Il a pourtant bénéficié d’aides de l’État pour racheter à bas prix les dépouilles du dernier vestige du groupe Hersant.

La création de ce quotidien, en 1964, avait été une décision politique de la puissance coloniale. Dans le climat de contestation des années 1960, de Gaulle avait choisi pour diriger ce journal un homme d’extrême droite, Robert Hersant, dirigeant
d’un groupuscule nazi sous l’Occupation et condamné en 1947 à dix ans d’indignité nationale pour col laboration avec l’Allemagne de Hitler. Il devint un notable de gauche, avant de repasser à droite, et ses multiples complicités lui permirent de construire un empire de presse, rachetant de nombreux titres comme Nord-Matin et Le Figaro dans les années 1970.

Avant de devenir un journal bourgeois classique, France Antilles fut pendant des décennies, suivant l’expression des militants antillais de Combat ouvrier, « un torchon colonialiste », surnommé « Fwans Manti » par la population. Mais l’été dernier
la petite-fille de Robert Hersant, Aude Jacques-Ruettard, a choisi de placer sa fortune ailleurs.

Les tractations avec l’Élysée qui ont incité Xavier Niel, 16e fortune française d’après le classement du magazine Challenge, à racheter le titre ne sont pas publiques. Mais la liberté de la presse, dans cette société, n’est que la liberté des capitalistes
de faire main basse sur les moyens d’information, quitte à se débarrasser d’un certain nombre de leurs travailleurs.

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