Chauffeurs VTC : Uber, un patron qui emploie des salariés11/03/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/03/2693.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Chauffeurs VTC : Uber, un patron qui emploie des salariés

Mercredi 4 mars, la Cour de cassation a confirmé la requalification en contrat de travail du lien unissant un ancien chauffeur parisien d’Uber à la société de plateforme téléphonique, confirmant un arrêt de la cour d’appel de Paris de janvier 2019.

Le marathon juridique avait commencé en 2017, après que Uber avait désactivé la connexion du chauffeur du site sans autre forme de procès, le privant de son gagne-pain.

Le jugement écorche encore le mythe qui a entouré le développement de « l’économie de partage », quand, grâce à l’Internet et au smartphone, des sociétés ont mis en contact des particuliers et des sociétés pour des services de transport ou de livraison. La loi El Khomri, adoptée sous Hollande, a donné un habillage légal au statut des chauffeurs ou coursiers, leur refusant le statut de salarié. Les articles de presse se multipliaient alors pour dire que c’était la fin du salariat...

Né il y a dix ans à San Francisco, Uber a drainé des dizaines de milliards et fait son entrée en Bourse l’an dernier. En revanche, aucun des 30 000 chauffeurs qui sont aujourd’hui sous sa coupe en France ne s’est enrichi. La légende du chauffeur de VTC libre, indépendant, a fait long feu depuis les témoignages racontant les journées de 10 heures ou même 14 heures au volant, pour récolter en fin de mois un smic ou moins encore. Uber, via les technologies modernes, a réinventé une forme de travail à domicile, de travail à la tâche, comme il en existait au 19e siècle, même s’il se fait au volant d’une voiture. Derrière le statut d’autoentrepreneur, il y a tout simplement une main-d’œuvre sans droit, sans protection sociale même minimum, et encore plus désarmée pour se défendre que les salariés rassemblés dans les entreprises.

L’arrêt de la Cour de cassation fera jurisprudence, dit-on. Il n’est en fait pas le premier : en 2018, un coursier de la société de livraison de repas aujourd’hui disparue Take Eat Easy avait obtenu le même jugement. À l’époque, on avait déjà parlé de jurisprudence, mais cela n’a pas empêché d’autres margoulins de tenter d’occuper le créneau. Quant à Uber, il a annoncé qu’il se prépare à mener de nouveaux marathons juridiques contre des chauffeurs qui voudraient se faire reconnaître comme salariés.

L’intersyndicale des VTC quant à elle a appelé à se déconnecter le 6 mars, c’est-à-dire à faire grève, et à se rassembler devant le siège d’Uber. En fait d’autoentrepreneurs, ces travailleurs, enchaînés à leur vélo, scooter ou voiture, sont bien des salariés. Et, en tant que tels, leur meilleure arme contre leur patron et la précarité qu’il impose, c’est la grève.

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