Trump et la Syrie : les calculs cyniques de l’impérialisme26/12/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/12/2630.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Trump et la Syrie : les calculs cyniques de l’impérialisme

« Il est temps que nos troupes rentrent à la maison. Nos garçons, nos jeunes femmes, nos hommes, ils rentrent tous et ils rentrent maintenant. » C’est ainsi que, dans un tweet et une vidéo postés le 19 décembre, Trump a annoncé le retrait des 2 000 soldats américains officiellement déployés dans le nord de la Syrie.

L’un des premiers surpris par cette décision a apparemment été son secrétaire d’État à la Défense, Jim Mattis, qui affirmait il y a quelques semaines encore que le rapatriement des troupes américaines n’était pas d’actualité. Ouvertement désavoué, il a annoncé sa démission, suivie par celle de l’émissaire américain pour la coalition internationale antidjihadiste, Brett McGurk.

Trump est coutumier de ce genre de diplomatie menée à coups de tweets et de revirements brutaux, sans consulter ses plus proches conseillers. Les préoccupations de politique intérieure ont certainement pesé d’une façon décisive dans son choix. En effet, alors qu’il avait mené campagne en 2016 en promettant de ramener les troupes à la maison, Trump avait poursuivi après son élection la politique de ses prédécesseurs, décidant même l’envoi de 4 000 soldats supplémentaires en Afghanistan. En annonçant de cette façon spectaculaire le désengagement militaire de Syrie, suivi de l’annonce de la réduction de moitié du contingent en Afghanistan, Trump espère certainement regagner du crédit au sein de son électorat.

Mais ce changement de la politique américaine intervient aussi à la suite d’une évolution du rapport de force militaire en Syrie. Dans le cadre de la lutte engagée à partir de l’été 2014 contre le groupe État islamique, les États-Unis avaient fait le choix d’apporter leur soutien militaire et logistique aux milices kurdes, qui contrôlent un territoire autonome, notamment au nord-est de la Syrie. Celles-ci espéraient que l’impérialisme américain accepterait en contrepartie de leur reconnaître le droit de diriger de façon quasi souveraine ces zones, dont ils avaient acquis le contrôle en profitant de l’affaiblissement de l’État syrien.

Mais cet appui apporté aux Kurdes par les dirigeants américains créait des tensions avec le président turc Erdogan, qui depuis de nombreuses années réprime férocement toute revendication nationale des populations kurdes sur son territoire et se livre à des opérations militaires contre les milices kurdes sur le sol syrien.

Aujourd’hui, Trump semble avoir fait le choix de revenir à une relation moins conflictuelle avec son allié. Et cela d’autant plus que les milices de l’État islamique, à la suite d’importants revers militaires, ne représentent plus une menace à court terme. Ainsi, Trump a déclaré s’être mis d’accord avec Erdogan pour mener une « coordination renforcée sur de nombreux sujets, dont les relations commerciales et la situation en Syrie ». Cela revient à abandonner les alliés kurdes des États-Unis et les mettre à la merci d’une nouvelle offensive que l’armée turque prépare déjà.

Les milices kurdes ont joué le rôle d’auxiliaires des États-Unis, mais ceux-ci ne leur témoigneront pas de gratitude particulière, privilégiant maintenant l’alliance avec la Turquie. Ce ne serait pas la première fois que l’impérialisme utilise cyniquement des populations dans des guerres locales en fonction de ses intérêts du moment. C’est cette politique qui a plongé le Moyen-Orient, et bien d’autres régions du monde, dans le chaos.

Partager