Il y a cinquante ans : 17 janvier 1961, dans l'ex-Congo Belge L'assassinat de Patrice Lumumba26/01/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/01/une-2217.gif.445x577_q85_box-0%2C8%2C173%2C232_crop_detail.png

Dans le monde

Il y a cinquante ans : 17 janvier 1961, dans l'ex-Congo Belge L'assassinat de Patrice Lumumba

Le 17 janvier 1961, dans la capitale de la province minière du Katanga, une des provinces du Congo, l'ex-Premier ministre Patrice Lumumba était assassiné sur ordre de chefs de clans congolais et d'agents impérialistes. Après 75 ans d'exploitation coloniale féroce par le roi et les bourgeois de Belgique, le Congo-Léopoldville était indépendant depuis six mois à peine. Mais l'assassinat de celui qui en avait été pendant deux mois le Premier ministre indiquait clairement que les hommes politiques congolais aussi bien que les dirigeants impérialistes feraient tout pour que se poursuive la mise à sac industrielle et minière du pays et de ses richesses par les trusts des grandes puissances.

Né en 1925, Lumumba faisait partie de ces rares Congolais à avoir accédé à l'éducation. Employé de bureau, journaliste puis directeur des ventes d'une brasserie, il avait reçu des autorités coloniales belges en 1954, à presque 30 ans, sa carte d'immatriculé, c'est-à-dire de Congolais « évolué » ayant droit à un statut officiel. C'est alors qu'il se mit à militer pour un Congo indépendant mais uni, à la différence de la plupart des militants indépendantistes, qui ne voyaient pas au-delà de leur province ou de leur ethnie.

Cette période était celle où de nombreux colonisés prenaient conscience de leur situation et s'engageaient dans la lutte pour l'indépendance. Les grands pays d'Asie avaient montré la voie en 1949-1950, avant la fin de la guerre française d'Indochine et le début de la guerre d'Algérie. Bientôt ce fut l'indépendance de la Tunisie et du Maroc. En Afrique noire, le Cameroun fut secoué par des émeutes en 1955, le Soudan devint indépendant en 1956, le Ghana en 1957. Partout l'heure était à la décolonisation.

Devant la montée du mécontentement au Congo, le gouvernement belge alterna de timides mesures de libéralisation et la répression. Lumumba fut souvent emprisonné, mais parfois convié à discuter avec des officiels belges. C'est au retour de l'exposition universelle de Bruxelles, en 1958, qu'il créa le Mouvement National Congolais et participa à la conférence panafricaine d'Accra, au Ghana.

Janvier 1959 fut marqué par des émeutes (540 morts, tous africains) à la suite de l'interdiction d'une manifestation pour l'indépendance et par des troubles graves dans les provinces congolaises du Katanga et du Kasaï en particulier. Les valeurs coloniales chutèrent en Bourse. Incapable de s'imposer militairement contre une colonie 80 fois plus vaste que la métropole, le gouvernement belge prépara d'abord un plan d'émancipation politique en quatre ans puis, devant les troubles croissants, décida que l'indépendance serait totale le 30 juin 1960. Des élections furent organisées à la hâte. Kasavubu, leader d'un parti nationaliste, fut choisi comme président de la République, Lumumba comme Premier ministre.

L'impérialisme belge espérait continuer à contrôler le nouvel État et à exploiter ses richesses naturelles, les mines en particulier. Il avait peuplé l'administration d'hommes qui lui étaient dévoués, tout comme l'armée et la police, dont tous les cadres étaient belges. Lumumba se déclarait d'ailleurs d'accord : « Nos soldats et leurs officiers belges sont liés les uns aux autres. Avec l'aide des Belges, j'espère que nous pourrons créer aussi vite que possible une armée commandée par des officiers belges », proclama-t-il.

C'est justement ce qui déclencha la révolte, le 5 juillet 1960. Soldats et policiers noirs s'attaquèrent aux officiers blancs et à tous les colons. Lumumba tenta d'abord de s'opposer au mouvement puis, faute de troupes, il chercha à en prendre la tête pour le contrôler. Il promit des augmentations de solde, assura que tous les grades seraient accessibles aux Noirs. Il pouvait espérer réussir, mais l'impérialisme ne lui en laissa pas le temps.

Dès le 11 juillet, sous l'instigation de l'Union minière belge, propriétaire des mines du Haut-Katanga, véritable État dans l'État, Moïse Tschombé, l'un des hommes liges de la puissance coloniale belge, proclama la sécession du Katanga, la région la plus riche en mines, et demanda l'aide de la Belgique. Le 8 août c'était au tour du Kasaï, riche en diamants, de faire sécession. Lumumba fit appel à l'ONU. Mais les casques bleus de l'ONU firent, comme toujours, la politique de l'impérialisme. Au lieu de s'attaquer au Katanga sécessionniste, ils entreprirent de renforcer l'armée congolaise et son chef, Mobutu, et d'éliminer les chefs nationalistes les plus en vue. Ainsi, quand Kasavubu et Lumumba se brouillèrent le 5 septembre, les casques bleus empêchèrent Lumumba de rejoindre les troupes qui lui étaient fidèles. Appuyé par la CIA, Mobutu prit le pouvoir et emprisonna Lumumba.

Mais dans le pays l'agitation anticolonialiste se poursuivait, et l'image radicale de Lumumba ne faisait que s'affirmer. Lumumba devenait plus dangereux en prison qu'en liberté. Mobutu se débarrassa donc de lui en le livrant à Tschombé et aux hommes de main de l'Union minière, qui le firent aussitôt assassiner.

Avec Mobutu à la tête de l'armée, puis de l'État en 1965, l'impérialisme avait les mains libres pour réunifier le Congo ex-belge, dénommé aujourd'hui République Démocratique du Congo, pour en assurer l'exploitation par ses trusts.

Partager