Mardi 11 janvier, en début d'équipe de nuit, un camarade était convoqué par la hiérarchie. Il lui était reproché d'avoir oublié de placer la veille un chariot de courrier devant la porte de départ.

La majorité d'entre nous a immédiatement arrêté le travail pour venir l'attendre devant le bureau du chef. À sa sortie, apprenant qu'on lui avait fait signer une reconnaissance de cette pseudo-faute, et qu'elle serait classée dans son dossier, ce fut l'indignation. Le chef a été apostrophé et, rapidement, tout y est passé : la dégradation des conditions de travail, les horaires intenables, le manque de personnel.

Devant notre demande de déchirer la lettre signée, il se retrancha courageusement derrière ses responsables pour bredouiller qu'il n'y pouvait rien, qu'il devait leur rendre des comptes. « Eh bien, appelle-les ! » s'entendit-il répondre. Il se vit donc contraint de réveiller un grand ponte qui dut venir en pleine nuit. Celui-ci commença par refuser de désavouer son subalterne en menaçant de faire sauter un trentième pour les titulaires, ou les heures de débrayage pour les contractuels. Non seulement personne ne bougea, mais il lui fut répondu que s'il maintenait la lettre, il faudrait en faire une pour chacun d'entre nous.

Finalement il accepta, si nous reprenions le travail, d'en rediscuter avec des représentants syndicaux et le camarade concerné qui n'aurait qu'une lettre de remontrance n'apparaissant pas dans son dossier. Et c'est avec satisfaction que nous vîmes le ponte déchirer la lettre initiale.

Le lendemain l'ambiance était évidemment au beau fixe.