Pérou : Pedro Castillo destitué14/12/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/12/2837.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Pérou : Pedro Castillo destitué

Destitué le 7 décembre, l’ex-président du Pérou, Pedro Castillo, n’est pas le premier à être victime des manœuvres d’une droite parlementaire corrompue. Depuis 2018, quatre présidents avant lui ont subi le même sort.

La vice-présidente, Dina Boluarte, qui succède à Castillo est la sixième en quatre ans à exercer la présidence du Pérou, et la première femme à exercer cette fonction… mais pour combien de temps ?

Dans ce pays où un tiers de la population survit dans la pauvreté tandis que les multinationales pillent les riches ressources en matières premières, les élections législatives ont lieu avant la présidentielle. Les élus, en majorité de droite et d’extrême droite, ont l’habitude de bloquer les plus petits signes de réformes qui menaceraient leur position et celle de ceux qu’ils servent, riches possédants locaux ou étrangers.

La Constitution de 1993 permet la destitution du chef de l’État pour « incapacité morale ou physique permanente », une formule assez vague pour permettre de l’écarter s’il déplaît au Congrès. Il suffit alors de réunir 87 votes sur 130. Le président, lui, ne peut dissoudre le Congrès que si les députés refusent deux fois la confiance au gouvernement.

Arrivé en tête du premier tour de la présidentielle de 2021, cet enseignant a été dirigeant en 2017 d’une importante grève de l’éducation. Influent dans des régions rurales et proche d’un parti qui se dit marxiste-léniniste, Castillo a sur des sujets comme l’avortement les convictions d’un catholique conservateur. Il s’est retrouvé au deuxième tour face à la fille de Fujimori, un président déchu notamment à cause de sa barbarie contre les populations indiennes et pour avoir livré les richesses du pays aux multinationales. C’est face à cet adversaire au patronyme épouvantail que Castillo a remporté l’élection.

Les promesses de Castillo comportaient l’abandon de la Constitution de ­Fujimori, la réforme agraire, des budgets pour l’éducation et la santé, le Pérou ayant été très marqué par la pandémie, une révision des contrats des compagnies minières pour retenir dans le pays 70 % des richesses. Ce n’était que des promesses mais les milieux conservateurs entendaient tout empêcher.

N’appartenant pas au sérail, ce fils de petits paysans, métis à demi-indien, a donc été d’emblée la bête noire d’une classe politique cor­rompue et raciste, et de conservateurs qui avaient le soutien de l’armée et des dirigeants ­patronaux. Pas moins de cinq gouvernements se sont ­succédé, impuissants face aux manœuvres d’un ­Parlement ultra-­conservateur.

Après plusieurs tentatives pour le destituer, la troisième, le 2 décembre, a été la bonne. Tentant le tout pour le tout, Castillo a annoncé le 7 décembre la dissolution du Congrès, un gouvernement d’urgence, des élections anticipées et le lancement d’une Assemblée constituante. ­Lâché par son gouvernement, il a été destitué par 101 membres du Congrès pour tentative d’« auto-coup d’État ».

Les États-Unis ont salué aussitôt « les institutions péruviennes et les autorités civiles pour avoir garanti la stabilité démocratique » et l’Union ­européenne a suivi. Castillo a été incarcéré pour « rébellion et conspiration ». Il demande l’asile au Mexique tandis que des manifestants réclament sa libération.

Castillo rejoint ainsi une liste de dirigeants de l’Amérique latine qui ont été démis, comme par exemple l’ex-président bolivien Evo Morales, lui-même renversé en 2019 par des manœuvres semblables. L’impérialisme et les possédants qui sont ses alliés dans les différents pays d’Amérique latine ne tolèrent guère les dirigeants affichant des velléités de réforme un peu favorables à la population pauvre. À cette véritable guerre, celle-ci devra un jour ou l’autre répondre avec ses propres moyens, en faisant la guerre aux classes dirigeantes et à l’impérialisme.

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