- Accueil
- Lutte ouvrière n°2776
- Espagne : le parasitisme des capitalistes de l’énergie
Dans le monde
Espagne : le parasitisme des capitalistes de l’énergie
Nous publions ci-dessous un article de nos camarades de Voz Obrera (UCI-Espagne)
En Espagne, les prix de l’électricité flambent. Ils atteignent actuellement 250 euros par MWh quand, il y a six mois, ils étaient autour de 80 euros. Les Espagnols vivent au rythme de ces « records historiques » du prix de l’électricité battus chaque semaine, si ce n’est chaque jour, augmentant à chaque fois le coût de la vie.
Les travailleurs payent l’absurdité de ce système économique, en particulier la spéculation sur le prix des matières premières qui fait gonfler le prix de l’électricité. Mais il faut ajouter le rôle particulièrement parasitaire des grands groupes espagnols de l’énergie dont trois au moins font partie des entreprises les plus riches du pays : Endesa, Naturgy, Iberdrola. Celles-ci se sont développées à la suite de la privatisation, par les gouvernements de gauche et de droite, de l’entreprise nationale Endesa, dans les années 1980 et 1990.
Grâce aux rentables contrats d’approvisionnement des gouvernements régionaux et nationaux, ainsi qu’à un système de réglementation des prix opaque, ces entreprises forment aujourd’hui un véritable oligopole dominant la chaîne de production et de transport, et se mettant d’accord pour faire payer des prix exorbitants à la population. Leurs conseils d’administrations sont truffés d’hommes politiques de tout bord que les capitalistes de l’énergie ont mis là en récompense des services rendus. On y trouve entre autres deux anciens Premiers ministres, Félipe Gonzalez pour le PS et José Maria Aznar pour la droite. Tout récemment encore, c’est un cadre socialiste bien connu, Antonio Miguel Carmona, qui a été nommé vice-président de Iberdrola, le premier groupe espagnol de l’énergie.
Dans le contexte actuel de crise, où le chômage atteint 14 %, et même 33 % pour les jeunes, et où dix millions de personnes se trouvent en situation de pauvreté, les magnats de l’énergie ont vu dans la situation une aubaine pour rançonner encore davantage la population. Ils ont par exemple profité des prix élevés du gaz pour vendre l’énergie hydraulique et nucléaire au même prix, alors qu’elle est moins coûteuse à produire. Ils font également payer aux clients les taxes sur le CO2. Cela ne les empêche pas de se présenter eux-mêmes comme victimes de la conjoncture alors qu’ils affichent d’énormes bénéfices : 1,4 milliard pour Endesa et 3,6 pour Iberdrola l’année passée, auxquels il faut ajouter cette année les milliards reçus du plan de relance de l’UE au nom du développement des énergies vertes.
Le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez, qui compte avec lui des ministres du bloc Unidas Podemos (Podemos-Gauche Unie-PC) s’est agité. Depuis plusieurs mois, différents ministres ont fait mine de s’en prendre aux grands groupes : ils ont annoncé des « mesures choc » en général en prenant sur l’argent public, par exemple en réduisant la TVA sur l’électricité. Pour le moment ces décisions n’ont eu presque aucun effet pour la population tant la hausse est importante et continue. Le gouvernement a aussi annoncé en septembre vouloir taxer un peu les bénéfices exceptionnels réalisés par les grands groupes cette année, provoquant une réaction scandalisée des magnats de l’énergie qui se sont empressés de crier au vol. [...]
Mais quand il s’agit de mesures contre la population, il n’y a pas de négociation. Au printemps dernier lorsque le gouvernement a mis en place la nouvelle plage horaire des tarifs de l’électricité dans les ménages, pour profiter des heures creuses, il fallait utiliser ses appareils domestiques entre minuit et 6 heures du matin ! Et il n’y a pas eu non plus de négociation quand l’électricité a été coupée dans les quartiers les plus pauvres comme à la Cañada Real à Madrid l’hiver dernier.
La seule vraie solution serait l’expropriation de ces grands groupes, sans indemnité ni rachat. Chaque semaine, des manifestations ponctuelles contre l’augmentation des prix ont lieu dans plusieurs villes, parfois devant les sièges même de ces grands groupes. Des milliers de personnes expriment ainsi leur indignation contre la situation.