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Dans le monde
Argentine : Macri chez Macron
Vendredi 26 janvier, le président argentin Mauricio Macri a été reçu par Macron. Le lendemain, place du Châtelet à Paris, plusieurs associations d’Argentins résidant en France appelaient à manifester contre sa venue, pour dénoncer sa politique qui a bien des points communs avec celle du président français : douce pour les riches, dure contre les classes populaires.
Macri est l’héritier d’un riche empire industriel et Macron un ancien haut cadre de banque. Tous deux ont formé des gouvernements où pullulent hauts cadres et dirigeants d’entreprises. Le gouvernement argentin rassemble plusieurs ex-cadres des banques JP Morgan et HSBC, d’IBM et de Telecom Argentina, un ex-PDG de Shell Argentina, le fondateur d’un fonds de pension privé et un représentant des grands propriétaires terriens et de l’agrobusiness. Macri a signé 774 décrets en se passant du Parlement. Lui aussi a réduit l’impôt sur la fortune et supprimé celui que devaient payer à l’exportation certains capitalistes.
En revanche, les tarifs publics (eau, gaz, électricité) ont explosé, jusqu’à 1 000 % pour certains, et 20 000 fonctionnaires ont été licenciés. Les pensions de retraite viennent d’être abaissées de 20 % et l’âge du départ des femmes a été repoussé de 60 à 65 ans. Enfin, il continue de réprimer les mouvements sociaux, traitant aussi mal les peuples d’origine indienne que Macron les migrants.
Macri est venu à Paris chercher des investissements français en Argentine, comme ceux réalisés par Total en Patagonie, qui concernent le pétrole mais aussi le gaz de schiste et qui provoquent des réactions de colère des riverains. Pour séduire les investisseurs, un accord salarial a été signé l’an dernier, avec la complicité des bureaucraties syndicales, qui réduit le prix de la main-d’œuvre de 35 %.
Pour s’attirer les bonnes grâces des capitalistes français, Macri, qui a cédé aux fonds vautours dès sa prise de fonction, propose de payer les 380 millions de dollars de l’amende imposée par la Banque mondiale pour dédommager le groupe Engie (ex-Suez) qui distribuait l’eau dans Buenos Aires de 1993 à 2006.
Dans ce différend, si quelqu’un aurait dû être mis à l’amende, ce n’est pas l’État argentin mais le groupe Suez-Engie, qui avait obtenu la distribution de l’eau à condition que les tarifs soient gelés. Or Suez les avait pourtant augmentés de 88 % ! Suez était aussi censé investir 630 millions d’euros sur dix ans, mais n’en avait déboursé que 380. Enfin, le groupe devait assurer le traitement des eaux usées pour 74 % des usagers, mais ne l’avait fait que pour 7 %. Ces manquements, et d’autres, avaient conduit le prédécesseur de Macri à rompre le contrat en 2006.
Le recul de Macri devant Suez suffira-t-il à déclencher sur l’Argentine la ruée des multinationales françaises dont il rêve ? C’est moins sûr, car les grands groupes capitalistes calculent en fonction de leurs espoirs de profit et non des souhaits de leurs commis politiciens.