Livreurs : les forçats de la course05/01/20222022Journal/medias/journalarticle/images/2022/01/P14-1_Just_Eat_renne_livreur_ok_Lupo.jpg.420x236_q85_box-0%2C54%2C778%2C491_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Livreurs : les forçats de la course

En appelant à des débrayages le soir du réveillon, la CGT de Just Eat voulait mettre en lumière les conditions de travail des livreurs à vélo, dans cette société qui se vante de salarier ses coursiers mais ne leur épargne ni les bas salaires, ni l’extension de leurs zones d’intervention, ni les licenciements abusifs.

Illustration - les forçats de la course

Les livreurs des autres plateformes connaissent, de plus, les problèmes attachés à leur condition de travailleurs théoriquement indépendants. Dans les rues par tous les temps, de jour et encore plus de nuit, surtout à la mauvaise saison, sans carrosserie protectrice, ces forçats de la livraison risquent à tout moment l’accident, sans qu’on sache combien en sont victimes. Une enquête auprès de 500 livreurs du Nord-Est parisien révèle qu’un quart d’entre eux ont déjà été blessés. En un an, six livreurs sont morts dans des accidents, dont un récemment encore, percuté par une voiture à Strasbourg.

C’est une course contre le temps, contre la concurrence de plus en plus vive, vu le nombre croissant de demandeurs de ces petits boulots, une course contre eux-mêmes, qui les pousse à multiplier les livraisons, à griller les feux rouges : l’un d’eux déclare que, s’il ne le fait pas, il perd 300 euros dans le mois. Cette situation pousse aussi un bon nombre d’entre eux à ne pas se soigner correctement en cas de chute ou de maladie, à ne pas prendre d’assurance, quand elle existe.

Les profiteurs de ces travailleurs, qui, à ces conditions, gagnent le smic ou un peu plus, sont évidemment les plateformes comme Deliveroo, Uber Eats et autres donneurs d’ordres de ces auto-entrepreneurs.

C’est le vrai visage de cette prétendue liberté du travail prônée par les tenants du système et le gouvernement : on est censé choisir les courses que l’on veut faire, mais la seule liberté dont on dispose est d’être surexploité. C’est aussi, parfois, celle d’en surexploiter d’autres, moins protégés encore, des travailleurs sans papiers à qui certains sous-louent leur compte, en récupérant 30 % à 50 % des recettes. C’est une pratique qui se développe et qui, selon le Comité des livreurs autonomes de Paris (CLAP), tombe de plus en plus dans les mains de mafias.

Des livreurs ont commencé à s’organiser ; le procès de Deliveroo pour dissimulation d’un grand nombre d’emplois, et donc pour le non-paiement de cinq millions d’euros de cotisations sociales qui l’accompagne, aura lieu en mars 2022.

Mais tout le système est à l’image de la société rêvée par le grand patronat : transformer chaque travailleur en concurrent voire en ennemi des autres, pour exploiter sans entraves.

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