Vingt ans d’euro : monnaie unique, Europe divisée05/01/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/01/2788.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Vingt ans d’euro : monnaie unique, Europe divisée

Le 1er janvier 2022 a marqué les vingt ans de la monnaie unique européenne, l’euro. Cet anniversaire, célébré avec modération, voire discrétion, par l’opinion officielle, ministres, partis de gouvernement, médias, a remué quelques souvenirs dans les milieux populaires.

Pour les travailleurs et leurs familles, pour tous ceux qui ont du mal à finir le mois, les vingt dernières années ont été accompagnées, en effet, d’une dégradation du niveau de vie, plus ou moins rapide selon les situations. Le passage à l’euro, changement bien plus voyant que la succession de gouvernements aux politiques semblables ou que l’éternel babil des économistes pro-patronaux, peut sembler expliquer cette dégradation, ne serait-ce que parce qu’il aurait induit une hausse générale des prix. Mais c’est confondre l’effet et la cause.

La monnaie européenne a été le pendant de la construction européenne, c’est-à-dire des velléités d’unification des bourgeoisies et des États européens afin de pouvoir peser plus lourd dans la compétition mondiale. Cette politique, poursuivie depuis 70 ans et toujours inaboutie, est aujourd’hui battue en brèche au fil des spasmes économiques et politiques, comme le Brexit l’a montré. Cependant l’euro permet encore aux possédants d’éviter les soubresauts monétaires entre divers pays européens, de simplifier et de stabiliser leurs comptabilités internes à l’échelle d’un continent et même, dernièrement, de lancer des emprunts en s’appuyant sur le crédit du chef de file allemand. Il a aussi facilité la tâche aux capitalistes les plus puissants, notamment aux groupes français et allemands, pour prendre pied dans les pays d’Europe centrale et les mettre en coupe réglée.

Cet instrument financier, comme les monnaies nationales avant lui, est entièrement entre les mains des exécutants des dynasties capitalistes, qu’ils soient hauts fonctionnaires, banquiers centraux ou dirigeants politiques blanchis sous le harnais. Les travailleurs n’ont évidemment aucun contrôle sur l’euro, son émission, son cours, son utilisation. Mais ils n’en avaient pas plus sur les monnaies nationales. Le président de la Banque centrale européenne n’est ni plus ni moins un serviteur du capital et, de ce fait, un ennemi des travailleurs, que le gouverneur de la Banque de France. Les questions de politique européenne, monétaires ou autres, se règlent, exactement comme les questions de politique intérieure, entre capitalistes, hauts fonctionnaires et dirigeants politiques du moment. Ce sont d’ailleurs bien souvent les mêmes hommes ou femmes à différents moments de leur carrière. Christine Lagarde, avant d’être nommée présidente de la BCE, fut successivement avocate d’affaires aux États-Unis, ministre de Sarkozy, directrice du Fonds monétaire international.

La hausse des prix et les coups subis par les travailleurs européens depuis vingt ans, certes libellés en euros, sont de même nature que ceux affichés en livres sterling pour les travailleurs britanniques ou en dollars pour la classe ouvrière américaine. S’il n’y a aucune raison de regretter le franc, pas plus que la livre tournois des rois ou le sesterce romain, l’unification monétaire décidée pour son propre usage par le patronat peut au moins servir à une chose : renforcer les liens entre les différentes composantes du prolétariat européen et la conscience que, d’un bout à l’autre du continent, ses intérêts sont les mêmes.

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