Haïti : un président assassiné, des travailleurs entre désintérêt et inquiétude14/07/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/07/2763.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Haïti : un président assassiné, des travailleurs entre désintérêt et inquiétude

La nouvelle, au petit jour, de l’assassinat du président haïtien, Jovenel Moïse, a créé une onde de choc à Haïti le 7 juillet.

À tous les niveaux, la peur a été la réaction prédominante. Dans la capitale, tous les magasins, les usines, les services publics sont restés fermés et les rues complètement vides.

Dans les quartiers populaires, il n’y a eu aucune vague de colère qui aurait pu rappeler le déferlement qui a suivi le coup d’état militaire contre le président Aristide en 1991, ni même ce qui a suivi son exil forcé vers les États-Unis en 2004. Ce fut le repli, l’enfermement, par peur de possibles affrontements entre groupes armés.

Dans ces quartiers, personne ne pleure Jovenel Moïse. Il symbolisait pour beaucoup cinq ans de pouvoir dur, sans aucun geste pour les pauvres, la hausse des prix des produits de première nécessité, la baisse des salaires et l’aggravation de la misère. Jovenel Moïse, c’était les promesses non tenues de l’électricité « 24 h/24 », de la scolarisation des enfants des classes populaires, de la nourriture pour tous grâce à ses champs de bananes.

Il est surtout jugé responsable de la recrudescence des groupes armés qui contrôlent les quartiers pauvres. Sa mort semblait un juste retour du bâton brandi contre les pauvres. Il n’y a donc eu aucun regret dans ces quartiers, la mort du président ayant même été sujet à quolibets car, refusant de remettre le pouvoir le 7 février, il avait déclaré : « certains présidents ont été renversés, exilés, tués, mais moi je resterai là, accroché comme une arête dans votre gorge ! » Dans une ville de province, il a même eu droit à un enterrement burlesque.

La peur reste présente, peur de voir la lutte à venir pour le pouvoir se retourner contre les plus pauvres. Personne n’est dupe de la parodie d’une police haïtienne qui fuit devant les gangs mais qui, dès le lendemain de l’assassinat, a arrêté un commando d’une vingtaine d’ex-militaires aguerris et lourdement armés. Si ce sont ceux-là les tueurs, qui sont les commanditaires ? Est-ce le PHTK, le parti en crise de Moïse ? Est-ce l’oligarchie haïtienne, qui en avait assez de sa marionnette ? Ou bien les États-Unis, par l’intermédiaire de leur ambassade ? L’habitation de Moïse, située à quelques minutes de la maison de l’ambassadeur, a subi des menaces des heures auparavant, sans aucune réaction du côté américain.

Ni la mort de Jovenel Moïse ni la réponse à ces questions n’apporteront un changement pour les pauvres d’Haïti. Les rues sont toujours sous le contrôle des bandes armées qui rançonnent, violent, kidnappent et tuent. C’est ainsi que plus de 5 000 habitants ont dû fuir leur quartier au sud de Port-au-Prince pour se réfugier dans un gymnase ou chez quelqu’un, en attendant de pouvoir regagner leur logement. Les déplacés qui fuient la terreur de ces bandits se comptent par milliers.

L’inquiétude prévaut face aux possibles réactions de ces groupes armés au service de clans politiques qui s’affrontent pour le pouvoir. Pour l’instant, le projet est une coalition des divers partis pour nommer un président et un premier ministre qui organiseraient de nouvelles élections. Ils demandent à la population de rester calme, mais surtout aux travailleurs de reprendre le chemin des usines et de l’exploitation !

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