Espagne : la nécessaire riposte d’ensemble

03 Février 2021

Dans toute l’Espagne, les licenciements individuels et collectifs se multiplient par milliers. Profitant de la situation sanitaire et de la baisse d’activité, des centaines de grandes entreprises réduisent les effectifs en utilisant les ruptures conventionnelles, les pré-retraites et les plans de suppressions d’emplois.

En Andalousie par exemple, une série d’entreprises très diverses comme Alestis (sous-traitant d’Airbus), Sitel (informatique), Inespasa, Aernnova, licencient. Mais c’est dans tout le pays que les attaques se multiplient contre le monde du travail. Il y aurait un million de travailleuses et de travailleurs en cours de licenciement collectif. Souvent, comme on peut le voir à Aernnova ou à Airbus, et comme cela se prépare dans l’ensemble des grandes entreprises, les licenciements ouvrent la porte à de futurs contrats précaires, ou à l’utilisation systématique de l’intérim.

Cette situation est évidemment bien antérieure à la pandémie, avec la fermeture de Nissan à Barcelone ou d’Alcoa, le géant mondial des pièces aluminium. Il y a eu aussi les réductions d’effectifs à la Telefónica, le géant espagnol des télécommunications, ou dans les banques. Il faut se rappeler que le secteur bancaire a supprimé 90 000 emplois ces dernières années tout en développant la sous-traitance. Et ces derniers mois les choses se sont accélérées.

Face à ces attaques, les travailleurs résistent. Depuis le début de l’année 2020, les entreprises touchées connaissent des grèves, des manifestations. On l’a vu aux chantiers navals de Cadix par exemple, et dans des entreprises comme Alestis ou Sitel.

Un exemple est ce qui se passe chez Aernnova. La direction de cette entreprise liée à l’aéronautique avait signé un accord en 2018, s’engageant à ne pas faire de licenciements collectifs jusqu’en décembre 2021. Au milieu de l’année 2020, elle a déclaré que le Covid avait changé les conditions. En juillet 2020, le président de la compagnie a annoncé le licenciement de 650 travailleurs dans plusieurs sites, à Tolède, Vittoria, Illecas, Orense, Séville et Cadix.

Le 19 novembre, Aernnova Andalousie a annoncé 86 licenciements, soit 46 % de l’effectif. L’entreprise, qui aujourd’hui parle de baisse de commandes, avait en 2018 des actifs évalués à 720 millions d’euros. En 2017, Aernnova avait négocié avec la banque un crédit de 450 millions d’euros pour acheter la compagnie américaine Brek, en utilisant la moitié de ses recettes, et avait distribué 75 millions de dividendes aux dirigeants.

Les travailleurs se sont mis en grève le 9 décembre. Et depuis cette date ils ont multiplié les actions : rassemblements, manifestations, contacts avec d’autres entreprises menacées de licenciements, barrages sur les routes, collectes... Ils réclament le maintien des emplois, en sachant bien que des bénéfices, il y en a, et que des aides publiques, Aernnova en a reçu massivement.

Parallèlement aux actions et manifestations, les délégués syndicaux ont aussi participé à des réunions avec des organismes officiels mais, de ce côté-là, il n’y a rien à attendre, même si le gouvernement dit de progrès, socialistes, Podemos, communistes, prétend avoir interdit les licenciements. Ce gouvernement dit de gauche se contente d’arroser les entreprises de milliards et les regarde licencier partout sans rien faire.

Devant le cynisme patronal qui utilise partout le prétexte de la crise sanitaire pour jeter à la rue des milliers de travailleurs afin de maintenir ses bénéfices, semant la misère dans tout le pays, une riposte d’ensemble du monde du travail s’imposerait. On ne peut attendre cette initiative des dirigeants syndicaux. Elle ne pourra venir que des travailleurs, s’ils prennent conscience, au travers des combats pour l’instant dispersés, qu’ils ont un formidable atout dans leurs mains, celui de faire tourner toute la société. Isolés, les travailleurs ne sont rien, solidaires dans une lutte générale, ils peuvent être tout.

Jacques MULLER