Nouvelle-Calédonie : après le référendum07/11/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/11/2623.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Nouvelle-Calédonie : après le référendum

Dimanche 4 novembre, les électeurs de Nouvelle-Calédonie ont voté à 56,4 % contre l’indépendance. On pouvait s’attendre à ce résultat, préparé de longue date par les gouvernements français préoccupés de conserver une base dans l’océan Pacifique.

Pierre Messmer, Premier ministre en 1972, appelait alors cette politique une « opération de peuplement outre-mer » qui consistait à faire émigrer des familles de France vers ces îles du Pacifique. Pierre Messmer la justifiait par ces mots : « À long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. Il va de soi qu’on n’obtiendra aucun effet démographique à long terme sans immigration systématique de femmes et d’enfants. » Le peuplement fut mis en œuvre sous Giscard d’Estaing, élu président en 1974, au point qu’aujourd’hui, les Kanaks représentent 39 % de la population des îles.

Le référendum du 4 novembre visait donc à légitimer par le suffrage la présence de l’impérialisme français en Nouvelle-Calédonie. Les dirigeants français diront aujourd’hui que, les Calédoniens ayant voté majoritairement pour rester au sein de l’État français, il n’y a plus lieu de parler de colonialisme. Macron qui, au passage, essaye de faire remonter sa cote de popularité, a pu ainsi dire après les résultats qu’il était fier « que la majorité des Calédoniens aient choisi la France ». Les Kanaks n’auraient plus qu’à accepter ce que l’État français et les Caldoches voudront bien leur laisser. Mais la propagande déployée depuis des mois sur le « vivre ensemble », assortie de l’envoi de renforts de gendarmerie importants à la veille du référendum, montrent combien les pouvoirs continuent de craindre la révolte kanake.

L’impérialisme français a aussi tiré profit de l’attitude des partis nationalistes kanaks, qui d’ailleurs assuraient ne pas vouloir d’une rupture avec la France. La négociation sur l’établissement des listes électorales a eu beau restreindre le corps électoral pour le référendum aux habitants présents dans les îles avant 1994, il était évident que les Kanaks restaient minoritaires et que le résultat serait défavorable à l’indépendance.

Malgré cela, les principaux partis nationalistes ont signé le protocole d’accord préélectoral et ainsi légitimé d’avance le résultat. En fait, l’enjeu pour eux n’était pas l’indépendance mais de faire le meilleur résultat possible pour renégocier avec l’État français leurs positions face à la droite calédonienne. De ce côté-là, ils pourront utiliser le 43,6 % du oui à l’indépendance, bien supérieur à ce que les prévisions donnaient. Et c’est sans aucun doute ce qu’ils auront fait valoir à Édouard Philippe en visite le 5 novembre.

Ces 43,6 % sont le fruit de la large mobilisation des Kanaks qui ont exprimé sur la question de l’indépendance combien ils se sentent toujours opprimés, spoliés, méprisés dans la Nouvelle-Calédonie colonisée. Un journaliste du Monde a rapporté cette réflexion de jeunes Kanaks des bidonvilles de Nouméa : « Le destin commun [avec la France], c’est pour ceux qui ont du fric... Mais pour nous, les sans-rien, ce sera toujours pareil. Nous sommes des citoyens non considérés… Le pays, c’est un poulpe. Au milieu, il y a la tête du poulpe et, tout autour, il y a les tentacules des politiciens qui s’emparent de tout. Mais pour nous, les pauvres, il n’y a plus rien. »

Le résultat du référendum ne peut cacher que la réalité de la Nouvelle-Calédonie reste une réalité coloniale, même si l’impérialisme français s’est débrouillé pour faire que ceux qui se sentent colonisés, essentiellement les Kanaks, soient minoritaires dans le corps électoral, tandis que la majorité de celui-ci voyait dans l’État français une protection.

Pour la population pauvre de Nouvelle-Calédonie, kanake mais aussi en partie caldoche, la question de l’indépendance reste posée. Mais c’est aussi la question de savoir si l’avenir de cette population du Pacifique doit continuer à dépendre d’un pouvoir situé à 20 000 kilomètres et surtout soucieux de garder la main sur la richesse minérale et sur la zone économique qui l’entoure. Pour sortir de la situation coloniale, pour imposer leurs exigences vitales, les pauvres de Nouvelle-Calédonie devront trouver l’alliance des travailleurs et des peuples de la région, de l’Indonésie aux Philippines et au Vietnam, et pourquoi pas à la Chine.

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