Caraïbe : l’ouragan Irma, un révélateur de la misère13/09/20172017Journal/medias/journalarticle/images/2017/09/PetitesAntilles.jpg.420x236_q85_box-0%2C28%2C385%2C244_crop_detail.jpg

Dans le monde

Caraïbe : l’ouragan Irma, un révélateur de la misère

Le cyclone Irma aura été le plus puissant cyclone à traverser les Antilles de mémoire de contemporain, avec la catégorie 5 sur une échelle de 5.

Illustration - l’ouragan Irma,  un révélateur de la misère

Puissant et destructeur, il a totalement détruit plusieurs îles des Petites Antilles dont Antigua et Barbuda, Saint-Martin, Saint-Barthélémy. Il a frappé un peu moins fort les Grandes Antilles en faisant malgré tout des dégâts importants à Porto Rico, Saint-Domingue, le nord d’Haïti, en particulier les villes de Ouanaminthe, Port-de-Paix et leurs environs. Il y a pour l’instant une victime décédée et un disparu en Haïti. Irma a aussi fait beaucoup de dégâts matériels et humains à Cuba où l’on compte dix morts. Puis cela a été le tour de la Floride où les inondations sont très importantes. À ce jour, il y a eu 40 morts sur toute la trajectoire d’Irma jusqu’en Floride et des dizaines de blessés, dont onze dans les Antilles françaises. Plusieurs personnes ont disparu ou sont blessées, dont deux graves. En Floride on compterait au moins trois morts.

À part l’effet de houle et certaines plages endommagées, la Martinique et la Guadeloupe ont été épargnées cette fois, l’ouragan étant passé plus au nord. Le cyclone José très puissant, qui suivait Irma, a modifié sa trajectoire passant au large des îles de la Caraïbe avec très peu de conséquences.

La population pauvre particulièrement touchée

Les scientifiques sont unanimes à dire que la fréquence et la puissance des cyclones sur la planète sont liées au réchauffement climatique, lui-même conséquence de l’irresponsabilité du système capitaliste. Les dégâts, eux, frappent toujours plus cruellement les plus pauvres et les plus démunis. Selon que l’on appartient à l’une ou l’autre des classes sociales, les conséquences des catastrophes dites naturelles ne sont pas les mêmes. On l’a vu dans le cas des deux îles françaises de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Saint-Barthélémy est une île où beaucoup de milliardaires ont une résidence, à commencer par le président des USA, Donald Trump, qui y a un palace. À Saint-Martin, l’opulence et la richesse voisinent avec la misère la plus grande. Paradis pour milliardaires, refuge de vacances pour riches acteurs et chanteurs français ou américains, ces îles, et surtout Saint-Martin, sont un enfer pour les travailleurs, les chômeurs, les pauvres dans certains quartiers comme le quartier d’Orléans et d’autres. Il y a à Saint-Martin un grand nombre de travailleurs immigrés. On compte plusieurs dizaines de nationalités différentes dont une grande majorité de travailleurs haïtiens ayant fui l’extrême misère dans leur pays.

Évacuations sélectives

Irma a été un révélateur cru, par ses conséquences, des inégalités au sein de la population sinistrée. Lorsque des sinistrés dénoncent le fait que « les Blancs ont été évacués sur la Guadeloupe » en priorité, « alors que la population noire n’était pas admise tout de suite dans les avions », ils ne font que traduire un état de fait et un sentiment qui sont permanents à Saint-Martin dans la population pauvre.

Il se trouve que les riches sont blancs et les démunis en grande majorité noirs. Dans la bouche de la population noire, le terme « blanc » est d’ailleurs synonyme de privilégié.

Le fait, par exemple, qu’un bateau ait été envoyé à Saint-Martin et soit revenu à Saint-François en Guadeloupe de nuit, comme une opération secrète, avec essentiellement des touristes américains et seulement trois Noirs de Saint-Martin, a choqué la population. D’autant que sur ce bateau il y avait encore des places libres.

Encore six jours après le passage d’Irma, les évacuations se faisaient au compte-gouttes, ce qui excédait les habitants. La distribution de l’aide et surtout de l’eau potable se faisait aussi au compte-gouttes. Une grande partie de la population est encore en attente de l’aide d’urgence en eau, en nourriture, en tout. Il n’y a plus rien à Saint-Martin, ni eau potable, ni produits de première nécessité, ni essence, ni médicaments.

On peut donc comprendre l’impatience légitime et la colère de la population. Il ne s’agit pas de dire que rien n’a été fait par les services de l’État. Mais quand même, ces services savaient plusieurs jours à l’avance qu’Irma se dirigeait droit sur les deux îles et son extrême dangerosité était connue. Des millions de litres d’eau et non pas seulement quelques palettes auraient dû être prédisposés en Guadeloupe et préparés pour être acheminés immédiatement après les épisodes cycloniques, voire largués en différents points des îles sans interruption, dès que possible. Même entre Irma et José, des largages étaient possibles puisque les aéroports étaient impraticables à ce moment-là. De même, le nombre d’avions et donc de rotations pour les évacuations aurait dû être prévu bien plus largement à l’avance. Le véritable pont aérien n’a commencé que cinq à six jours après le cyclone.

Quels pillages ?

À propos de ce que l’on a appelé les pillages sur lesquels les médias ont fait grand bruit, eh bien oui, la population est allée se servir. Elle l’a même fait de manière bon enfant et parfois en famille, pas comme des voleurs, dans certains magasins et supermarchés, car elle manquait de tout. Pour beaucoup de gens, c’était une question de survie et ils ont eu raison de le faire. Bien sûr, certains ont pris du matériel hi-fi, mais une grande partie de la population est tellement pauvre qu’on peut comprendre qu’elle ait cherché à profiter de l’aubaine. S’il y a eu quelques délinquants et malfrats, ce n’était pas le cas de l’ensemble de la population. Les services de l’État, au lieu de penser tout de suite à la répression auraient mieux fait d’ouvrir les magasins Super U et autres supermarchés, et d’organiser la distribution en s’appuyant sur la population. Mais non, leur réflexe est d’abord de se méfier d’elle comme d’un danger !

Dans tous les pays, on assiste à ce phénomène dit de pillage lors des catastrophes. Le scandale n’est pas là, il est dans l’existence permanente de cette misère ! Il est plus facile de s’en prendre à de prétendus pilleurs que d’expliquer les retards des secours, plus facile de renforcer la présence militaire en déclarant qu’il fallait bien sécuriser l’île avant de distribuer l’aide.

Heureusement, les travailleurs et les pauvres savent s’entraider et faire preuve d’une immense solidarité tout comme ils l’ont fait lors du séisme en Haïti. C’est une force, c’est aussi un motif d’optimisme pour la période qui vient et pour l’avenir des classes populaires des îles dévastées de la Caraïbe.

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