Après les Journées de Juillet : le Parti bolchevique gagne en influence11/07/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/07/2554.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Russie 1917 : la révolution au fil des semaines

Après les Journées de Juillet : le Parti bolchevique gagne en influence

Dans ses mémoires sur la révolution d’octobre, Antonov-Ovseenko, bolchevik qui allait diriger la prise du Palais d’hiver en octobre, décrit l’impuissance du gouvernement provisoire et de ses calomnies à enrayer la progression des bolcheviks parmi les ouvriers de la capitale.

« Le 13 juillet, le comité exécutif [des soviets], essayant de tirer profit de la “défaite” des bolcheviks en juillet, décide de lancer la campagne de réélection du soviet de Petrograd, il prend également une résolution en faveur d’une obéissance “inconditionnelle” à la majorité. Bien sûr, les bolcheviks votent contre. Mais ils ne craignent pas de nouvelles élections, ils les veulent ! Dans la section ouvrière du soviet, les nôtres sont déjà 400, ils ont déjà la majorité, alors que deux mois plus tôt, ils étaient 65 !

Le 14 juillet, à l’usine Langzippen, se tiennent des élections à bulletin secret. 840 voix pour les bolcheviks, 215 pour les défensistes [les partisans de la défense nationale, autrement dit de la poursuite de la guerre] ! Seuls des bolcheviks sont envoyés comme délégués au soviet, alors qu’avant, ils se partageaient pour moitié avec les défensistes.

Quelques jours plus tard, c’est une victoire pour nous à l’usine Franco-Russe dans le quartier des forges de Poutilov (…). Les ouvriers de l’usine, hier encore à moitié défensistes, s’expriment ainsi : “Les travailleurs de l’usine Franco-Russe nourrissent les plus grandes inquiétudes pour le sort de la révolution, pour toutes les conquêtes de la classe ouvrière et de l’armée révolutionnaire. La révolution est en danger. Le couteau est déjà sur elle, et seuls les efforts conscients du prolétariat, uni avec l’armée révolutionnaire, pourront la sauver et assurer son développement ultérieur dans l’intérêt des classes laborieuses. Camarades ! La contre-révolution, en d’autres mots tous les acolytes d’hier et les partisans de Nicolas le sanguinaire [le tsar Nicolas II] et de sa politique de voleur, s’organisent, se préparent, essayent déjà de s’emparer du pouvoir pour étrangler la révolution.” »

L’enseigne de vaisseau Illine-Genevski, membre de l’Organisation militaire bolchevique qui mène l’agitation au sein de l’armée, raconte pour sa part comment lui et quelques camarades réussissent à trouver une imprimerie pour faire reparaître un journal, le précédent ayant tout juste été interdit par le gouvernement : « Je me souviens de l’intérêt et de l’émotion avec laquelle nous lançâmes le premier numéro de L’ouvrier et le soldat. Notre nouveau journal avait pris ce titre. La libre parole bolchevique renaissait sous nos yeux. Nous reconquérions de haute lutte une position perdue. Nous anticipions avec plaisir la joie des ouvriers et des soldats quand ils retrouveraient le lendemain leur journal chez le marchand. »

Un comité d’officiers de son propre bataillon inculpe Genevski, mais n’ose pas l’arrêter : « J’eus bientôt la preuve (...) que mon arrestation eût indigné nos hommes. D’abord, le comité du bataillon, élu par les soldats, en appela de la décision du comité des officiers et exigea mon retour au bataillon. Ensuite, je devins le candidat perpétuel des soldats à toutes les élections. Je fus tout d’abord élu vice-président du tribunal du bataillon, puis vice-président du comité du bataillon et enfin député du bataillon au soviet de Petrograd. »

Dans L’Avènement du bolchevisme, écrit début 1918, Trotsky résume ce retournement de la situation en faveur du parti : « Le désarroi qui avait gagné les quartiers ouvriers ne dura pas et céda rapidement la place à une montée du flux révolutionnaire, non seulement parmi le prolétariat mais au sein de la garnison de Petrograd. Les conciliateurs avaient perdu toute influence et le bolchevisme, telle une vague, commença à se propager à travers tout le pays à partir des centres urbains et, déjouant tous les obstacles, il pénétra dans les rangs de l’armée. Le nouveau gouvernement de coalition dirigé par Kerenski s’engageait déjà ouvertement dans la voie de la répression. Le cabinet des ministres rétablit la peine de mort pour les soldats. On fermait nos journaux, on arrêtait nos agitateurs, mais cela ne faisait qu’accroître notre influence. »

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