Grande-Bretagne : derrière les pitreries de Boris Johnson07/08/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/08/2662.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : derrière les pitreries de Boris Johnson

Depuis le 24 juillet, Boris Johnson a remplacé Theresa May au poste de Premier ministre britannique, pour piloter le pays vers l’avenir radieux qui, selon lui, l’attend hors de l’Union européenne (UE). Mais en plus, il promet que le Brexit sera effectif dès le soir du 31 octobre prochain, « que ça passe ou que ça casse ».

Ainsi s’exprime Alexander Boris de Pfeffel Johnson, plus connu sous le sobriquet de BoJo que lui donne son fan club dans les médias réactionnaires. Il cultive avec soin une image de « grande gueule » iconoclaste, jouant sur ses pitreries et ses gaffes, pour marquer ses distances vis-à-vis d’une classe politique discréditée parce que trop bourgeoise.

Mais malgré l’image populaire qu’il cherche à se donner, Johnson est passé par le moule de la bourgeoisie dont il est issu et ses grimaces cachent mal les préjugés sociaux dont il est pétri.

Sa carrière politique a commencé dès l’université d’Oxford, où il rejoignit les rangs du club conservateur et ceux du club Bullingdon, spécialisé dans les beuveries et le vandalisme aviné. Après l’université, Johnson bifurqua vers le journalisme, où il se positionna très vite du côté de l’aile droite nationaliste, xénophobe et anti-UE du parti conservateur.

Il est vrai que Johnson changea de ton pour se faire élire à la mairie du Grand Londres. De 2008 à 2016, il fit ainsi figure de libéral, au point que quelques mois avant le référendum de juin 2016, il passait encore pour un partisan du maintien dans l’UE. Puis Johnson bascula : du jour au lendemain, il se proclama partisan du Brexit, pour devenir l’un de ses trois principaux défenseurs dans la campagne du référendum.

Autant dire que les convictions politiques de Johnson sont à géométrie variable. Cela n’a sans doute rien de très exceptionnel parmi les politiciens de la bourgeoisie, sauf peut-être par l’ampleur remarquable de ses grands-écarts. Alors, il n’est pas impossible qu’à l’avenir Johnson se livre à des retournements tout aussi spectaculaires, qui pourraient affecter le cours tortueux du Brexit. Néanmoins, on n’en est pas encore là.

Le nouveau gouvernement est à l’image de Johnson. C’est un gouvernement de riches : les deux tiers des ministres viennent des écoles privées les plus chères du pays, un record. S’y trouvent représentés les courants les plus réactionnaires de la droite conservatrice : une ministre de l’Intérieur favorable à la peine de mort et connue pour avoir accusé à la télévision la classe ouvrière britannique d’être la plus paresseuse du monde ; un ministre des affaires étrangères qui se dit partisan (et il n’est pas le seul) de la suppression, en application de directives de l’UE, des droits acquis par la classe ouvrière comme les congés payés et la réglementation de la durée du travail, entre autres ; une sous-secrétaire à la Santé qui est, de longue date, la figure de proue d’un courant partisan de restreindre le droit à l’avortement ; sans parler des nombreux ministres partisans d’une politique encore plus répressive envers les travailleurs immigrés.

Ce gouvernement veut le Brexit pour le 31 octobre au soir. Sauf qu’il ne veut pas qu’il se fasse sur la base de l’accord de retrait signé entre Theresa May et l’UE et que, de son côté, l’UE ne veut pas revenir sur ce qui a déjà été négocié.

Dans ce cas, la seule issue possible serait un départ sans accord, qui impliquerait la suspension immédiate de tous les liens privilégiés existant entre l’UE et la Grande-Bretagne, en particulier en matière de commerce, de finances, de transport, etc.

Pourtant, Johnson a fait de cette hypothèse l’un des piliers de ce qu’il présente comme une politique : si rien ne marche, il s’est engagé à gérer un départ sans accord, ce qu’il est bien incapable de garantir. Sans doute y a-t-il déjà eu des négociations dans les coulisses pour prévoir des solutions provisoires évitant la paralysie de l’économie. Mais nul ne peut dire si elles empêcheront une réaction en chaîne affectant toute l’économie. C’est ce que souligne la dégringolade de la livre sterling, au fur et à mesure que la presse révélait les rodomontades du nouveau Premier ministre.

Ce qui est certain en revanche, c’est que quelle que soit la forme finale du Brexit, et quelles que soient ses conséquences internationales, les politiciens britanniques sont en train de préparer le terrain pour une offensive contre la classe ouvrière, afin de protéger les profits capitalistes. Dans son programme, Johnson a ainsi déjà fait état de réductions d’impôts pour les plus riches et d’une baisse de l’impôt sur les bénéfices qui mettrait la Grande-Bretagne au niveau de l’Irlande, à un taux de 15 % voire plus bas. Pour faire bonne mesure, une dizaine de zones franches seraient créées, autour de grandes régions portuaires et aéroportuaires, faisant office de « zones économiques spéciales », bénéficiant d’un système d’imposition et de tarifs douaniers minimaux pour les entreprises ainsi que d’une législation sociale réduite.

Ce qui est également certain, car les institutions financières ne le cachent pas, c’est que le Brexit coûtera très cher en subventions à la bourgeoisie. On verra alors les Johnson et leurs acolytes de tout bord se tourner vers la classe ouvrière pour lui faire payer la note. C’est contre cela que la classe ouvrière britannique doit se préparer à se défendre, sans compter sur une nouvelle élection ou un nouveau référendum.

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