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- Lutte ouvrière n°2443
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La Fête de Lutte Ouvrière
Nathalie Arthaud, lundi 25 mai : Réimplanter les idées internationalistes
(…) L'évolution même du capitalisme, sa mondialisation croissante, fait que le brassage dont résulte le prolétariat se déroule aujourd’hui à une échelle encore plus grande qu’au temps de Marx ou de la Ie Internationale.
Le prolétariat d’aujourd’hui est composé, ici en France comme aux États-Unis, en Angleterre ou dans les pays les plus industrialisés, d’hommes et de femmes venus de tous les continents. Des milliers de femmes et d’hommes sont chassés de leurs lieux d’origine par la misère et la faim, ou par les guerres et des régimes d’oppression.
Ces femmes et ces hommes qui, au prix d’efforts désespérés et si souvent mortels, essaient d’atteindre les pays plus développés où ils espèrent trouver du travail, sont l’illustration sans cesse renouvelée de cette expression du Manifeste communiste : « Les prolétaires n’ont pas de patrie. » (...)
C’est le capitalisme lui-même, les inégalités et les oppressions qu’il engendre sans cesse, qui font que les travailleurs n’ont pas, ne peuvent pas avoir d’autre patrie que là où ils trouvent du travail.
Oui, quand Marx écrivait « les prolétaires n’ont pas de patrie », c’était déjà le constat d’une réalité. Elle est toujours d’actualité pour un nombre incomparablement
plus grand de pauvres, d’opprimés, contraints d’aller de pays en pays pour trouver de quoi survivre.
On ne peut qu’être révolté devant les images de ces femmes, ces enfants, ces hommes qui se noient en Méditerranée en tentant de fuir leurs pays, et devant les trafiquants d’êtres humains qui font du profit sur le désespoir. Mais infiniment plus écœurante est l’organisation sociale qui conduit à cela, alors pourtant
qu’elle regorge de richesses accaparées par une minorité de privilégiés.
Les gouvernants peuvent surélever les murs, renforcer les barbelés, multiplier les patrouilles en mer et sur terre, ériger l’Europe en forteresse, ils n’arrêteront pas ces migrations.
D’ailleurs, la bourgeoisie le veut-elle vraiment ? Ces migrants devenus des sans-papiers lui fournissent une main-d’œuvre bon marché, aussi dépourvue de droits que l’était le prolétariat au début du capitalisme. La boucle est bouclée : la mainmise impérialiste, qui appauvrit les pays sous-développés, contraint leurs forces vives
à partir pour devenir de la chair à exploiter dans les citadelles de l’impérialisme.
Aussi inhumains que soient les moyens de ce trafic qui nourrit l’esclavage moderne, l’esclavage salarial, disons-nous bien que le système capitaliste est en train de fabriquer le prolétariat d’aujourd’hui et de demain.
Et tous ceux qui présentent ce mouvement migratoire, ce brassage des hommes et des peuples, comme une menace pour les travailleurs d’ici sont nos pires ennemis. Le
problème ne vient certainement pas de ces futurs prolétaires, mais du fait qu’il n’y a pas un mouvement ouvrier vivant, capable d’accueillir ces nouveaux arrivants et de les associer dans les combats quotidiens.
Le problème est qu’il n’y a pas de partis communistes révolutionnaires, qu’il n’y a pas d’internationale révolutionnaire pour les intégrer dans le combat de la classe ouvrière pour le renversement du pouvoir de la bourgeoisie !
Ceux que les guerres, les oppressions ou la pauvreté chassent de leur pays peuvent avoir été des paysans, voire des petits bourgeois : s’ils parviennent à pénétrer dans les citadelles impérialistes, ils seront pour la plupart transformés en prolétaires, nos futurs frères d’armes.
Des frères d’armes avec qui nous aurons à mener nos combats pour nous défendre contre l’exploitation et avec qui, je l’espère, nous vaincrons la bourgeoisie pour mettre fin à la dictature du grand capital et à l’exploitation.
La barbarie des djihadistes et celle de l’impérialisme
Personne ne peut rester insensible face aux attentats terroristes, aux décapitations, aux enlèvements et à la mise en esclavage des femmes, ou encore face aux actes d’épuration ethnique et religieuse commis par des bandes armées du type Daesch ou Boko Haram. Mais la barbarie de ces bandes armées, qui profitent de la décomposition de nombre d’États en Afrique ou au Moyen-Orient pour imposer leur dictature à leurs peuples, ne fait pas des puissances impérialistes et de leurs
armées les défenseurs des opprimés. (...)
Comme al-Qaida, les milices en Libye et les bandes djihadistes de Daesh qui terrorisent une partie du Moyen-Orient sont les fruits directs ou indirects de la politique impérialiste, le fruit des frustrations, des sentiments d’injustice, de révolte contre la domination des pays riches.
La barbarie des terroristes et la barbarie imposée par la politique de domination économique et militaire de la bourgeoisie impérialiste sont les deux bouts d’un même bâton. L’une alimente l’autre et pour combattre l’une, il faut combattre l’autre.
(…) Les troupes françaises mènent aujourd’hui la guerre au Mali et en Centrafrique et participent aux bombardements en Irak. Elles préservent des positions
pour intervenir dans d’autres pays d’Afrique où elles maintiennent des bases militaires.
(…) Les travailleurs n’ont certainement pas à soutenir la politique guerrière du gouvernement. Ils n’ont pas à se réjouir de la vente d’engins de destruction et de mort à des dictateurs qui s’en serviront contre leurs propres peuples.
Les travailleurs n’ont pas, non plus, à se joindre aux manifestations d’unanimité nationale, même lorsqu’elles ont pour prétexte la lutte contre le terrorisme. Quelle que soit la cause qui sert de prétexte aux hommes politiques pour en appeler à l’unité nationale, c’est toujours pour mettre les classes populaires à la remorque de
la grande bourgeoisie.
La classe ouvrière n’est pas en situation aujourd’hui d’empêcher les guerres de brigandage que les dirigeants prétendent mener en son nom. Mais son intérêt politique est de les dénoncer. Nos exploiteurs ne deviennent pas nos amis lorsqu’ils envoient des troupes pour assurer le pillage de leurs ex-colonies.
Alors, à bas les interventions françaises et troupes françaises hors d’Afrique !
Le capitalisme c’est la guerre...
La lutte contre le terrorisme n’a cependant pas complètement remplacé la lutte entre les deux blocs qui a marqué les relations internationales durant plusieurs décennies. La dislocation de l’ancien bloc soviétique, la disparition des anciennes Démocraties populaires n’ont pas abouti, même en Europe, à une ère de paix.
L’ancien bloc soviétique a seulement ouvert un champ supplémentaire aux manœuvres des grandes puissances impérialistes, parfois en accord entre elles, parfois en rivalité.
Une illustration sanglante en est donnée par la guerre qui se déroule en Ukraine. Car, derrière l’affrontement entre la Russie et l’Ukraine par bandes de nervis interposées, il y a les manœuvres politiques des puissances impérialistes occidentales. (…)
Les deux camps qui s’affrontent en Ukraine sont, tous les deux, des ennemis des classes exploitées. Ils sont en train de le montrer de façon sanglante.
Mais le drame est que le prolétariat d’Ukraine n’a pas la force d’opposer sa propre politique aussi bien aux oligarques locaux qu’à la bureaucratie russe et aux puissances impérialistes. (...)
À quelques centaines de kilomètres de l’Ukraine, la Grèce offre la démonstration que l’intégration européenne ne constitue en rien une association de peuples égaux. L’appartenance à l’Union européenne ne met pas fin aux relations de dépendance entre la partie orientale pauvre de l’Europe et les pays impérialistes de la partie
occidentale.
Le gouvernement Tsipras, arrivé au pouvoir il y a quelques mois par la volonté de l’électorat populaire qui en avait assez de la politique d’austérité, est littéralement étranglé par les institutions de la bourgeoisie impérialiste.
Le programme de Syriza n’était pourtant pas révolutionnaire. Il promettait d’améliorer un peu les conditions d’existence des catégories les plus pauvres de la population : relever le salaire minimum, empêcher un certain nombre de licenciements découlant soit de la politique d’austérité elle-même, soit des privatisations.
Il avait surtout l’ambition de s’opposer à ce que la Grèce soit considérée comme une semi-colonie par les banques occidentales, qui l’ont ligotée avec la dette, et par leurs représentants politiques.
Mais même cette ambition modeste est inacceptable par les puissances impérialistes qui dominent l’Europe. Car il n’est pas question pour les institut ions internat ionales de la bourgeoisie, du FMI à la Banque centrale européenne, d’accepter de ne pas être payées par les classes exploitées, qui pourtant n’y sont pour rien. (...)
Qu’ils se méfient
Que la grande bourgeoisie se méfie cependant ! Les exploités grecs sont en train d’expérimenter, dans la souffrance et, demain peut-être, dans la déception, les
limites de la voie électorale. Ce qui se passe en Grèce montre que même l’élection d’une équipe gouvernementale bien disposée à l’égard des travailleurs ne peut rien faire pour eux dans le cadre du système. Eh bien c’est ainsi que les classes privilégiées finiront par convaincre les exploités qu’il n’y a pas d’autre voie pour eux que de briser le système. (…)
Alors, ce que j’ai à dire à tous les militants qui partagent notre perspective, c’est, dans cette période de recul, de ne pas perdre confiance en leurs idées, c’est-à-dire ne pas perdre confiance en la classe ouvrière et en sa capacité à renverser le pouvoir de la bourgeoisie.
Ce que j’ai à leur dire, c’est de ne pas perdre leur boussole politique, ne pas perdre leurs perspectives révolutionnaires dans la recherche de quelques succès politiques à court terme. (…) Les idées communistes révolutionnaires resteront minoritaires jusqu’au jour où de larges masses se tourneront vers elles.
Alors, il faut de la ténacité, de la persévérance, pour gagner aux idées communistes révolutionnaires des travailleurs, des jeunes, une nouvelle génération qui fera enfin triompher le combat séculaire que mène le monde du travail pour renverser un ordre capitaliste injuste, anachronique, pourrissant. C’est la seule voie pour sortir la société de son impasse actuelle et pour permettre à l’humanité de connaître un nouvel essor.