Dans les entreprises

Accident de Brétigny : la SNCF cherche à se défausser

Lundi 25 avril, s’est ouvert le procès de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge, qui a causé en juillet 2013 la mort de sept personnes et en a blessé des centaines dont plusieurs dizaines très gravement. Plusieurs associations d’usagers et des syndicats cheminots se sont portés partie civile.

La SNCF et SNCF Réseau (RFF à l’époque) sont dans le box des accusés, en tant que personnes morales. Aucun dirigeant n’est poursuivi, ni à la SNCF ni au gouvernement. La seule personne physique poursuivie et qui risque la prison, est un jeune cheminot, âgé de 24 ans à l’époque des faits, poursuivi pour n’avoir pas détecté qu’une éclisse, pièce d’aiguillage solidarisant deux rails, ne tenait plus que par un boulon sur quatre. Il serait scandaleux qu’il endosse le rôle de lampiste, alors que la SNCF porte l’entière responsabilité de cet accident, en raison de la vétusté des installations et de la baisse irresponsable des effectifs d’entretien des voies.

En effet, à partir des années 1980, l’entretien et le renouvellement du réseau ont été littéralement sacrifiés. Les budgets de maintenance ont baissé en moyenne de 3 % par an. Le nombre de kilomètres de voies renouvelées a été divisé par deux. Les effectifs ont fondu : rien qu’entre 2000 et 2012, la branche infrastructure de la SNCF a perdu 5 000 cheminots. En avril 2013, la direction régionale francilienne elle-même alertait par mail : « Gros déficit d’agents, évalué à plus de 200 personnes » sur Paris Rive-Gauche, dont dépend Brétigny. Et, à Brétigny même, la brigade d’entretien des voies a perdu dans la période la moitié de ses effectifs, passant de douze à six. Ainsi, le cheminot mis en examen devait contrôler seul, lors de sa tournée d’inspection, 8,4 kilomètres de voies et 24 aiguillages en cinq heures trente ! À Brétigny, à de nombreuses reprises, des cheminots et même des usagers ont alerté la SNCF sur la dangerosité de la zone, sans aucun effet.

Quelques jours après le drame, Guillaume Pepy, alors président de la SNCF, n’a pu faire autrement que de déclarer : « L’accident a une origine technique, et nous avons dès l’origine affirmé la responsabilité pleine et entière de la SNCF dans cet accident ». Mais la SNCF a ensuite fait obstruction à l’enquête : subornation de témoins et rétention d’informations d’après l’ordonnance de renvoi. L’ordinateur professionnel du responsable de la maintenance a mystérieusement été volé et été retrouvé plusieurs mois plus tard, vidé de toute mémoire. La collaboration des cadres SNCF avec la justice était tellement franche et loyale que les juges ont décidé, fait rarissime, de les placer sur écoute.

Aujourd’hui, après avoir ralenti l’enquête par tous les moyens, la SNCF, par la voix de ses avocats, a prétendu à l’ouverture du procès que cet accident était imprévisible et qu’un défaut de fabrication de l’acier de la pièce par son fournisseur est la cause du déraillement. Bref, elle ne s’estime ni responsable ni coupable. D’ailleurs, si la SNCF a dû, à la suite de l’accident, contrôler en catastrophe les dizaines de milliers d’appareils de voie et programmer des travaux d’urgence, le réseau continue de vieillir : 21 % du réseau est hors d’âge et les effectifs continuent de fondre. La SNCF, soumise à l’impératif de profit, prépare de nouveaux Brétigny.

Ce procès doit durer deux mois. Espérons, pour les familles des victimes comme pour les cheminots, qu’il permettra de braquer les projecteurs sur le caractère irresponsable et criminel d’une gestion capitaliste des transports.

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