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Dans le monde
La guerre en Ukraine : les surenchères de l’impérialisme
Ces derniers jours ont vu l’attitude des dirigeants américains changer de registre quant à la guerre en Ukraine. Ils sont passés de déclarations qui se voulaient défensives à des prises de position de plus en plus offensives.
Il y a peu encore, Joe Biden, le président des États-Unis, affirmait : « Jamais je n’enverrais les boys en Ukraine », tout en fournissant une aide d’armes prétendues seulement de défense, « pour soutenir le peuple ukrainien » victime de l’agression des armées de Poutine. On n’en est plus là : l’intervention de l’impérialisme américain et de ses alliés s’est fortement intensifiée et diversifiée sur le terrain militaire, au point que, lundi 27 avril, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a estimé à propos des risques d’une troisième guerre mondiale : « Le danger est grave, il est réel, on ne peut pas le sous-estimer. »
L’invasion de l’Ukraine décidée par Poutine, au nom des intérêts de l’État russe, de ses oligarques et de sa bureaucratie, avec les destructions et les dizaines de milliers de morts qu’elle a entraînées, et pas seulement du côté de l’Ukraine, est un crime contre son peuple, mais aussi contre le peuple russe lui-même. Mais, et on le vérifie de plus en plus, la politique des dirigeants de l’impérialisme américain qui, sous couvert de donner la réplique à Poutine, font tout pour que, cette guerre s’éternisant, la Russie s’y épuise, n’a rien à voir avec un quelconque respect du droit des peuples.
Le secrétaire d’État américain (ministre des Affaires étrangères), Antony Blinken, et son confrère de la Défense, Llyod Austin, viennent d’annoncer que le but de Washington est d’affaiblir le plus possible la Russie, et de déclarer : « l’Ukraine croit qu’elle peut gagner la guerre ; nous tous, ici, aussi. » Et la Maison-Blanche d’annoncer dans la foulée une nouvelle tranche de livraisons d’armes, cette fois décrites ouvertement comme offensives, ce qui porterait, officiellement, le montant de l’aide militaire américaine à l’Ukraine à quatre milliards de dollars. Il ne s’agit plus, pour l’Occident, d’une guerre dite défensive : on en est passé à une guerre qui se veut offensive, et qui dépasse les frontières de l’Ukraine.
En effet les impérialismes de second ordre – France, Grande-Bretagne, Allemagne aussi, avec des réticences, car leurs intérêts respectifs ne coïncident pas forcément avec ceux de l’impérialisme américain – se mettent à la remorque de ce dernier, ainsi que le Japon, le Canada, etc. Ce n’est pas encore la mobilisation générale de la population de ces pays, mais leurs États commencent à se mobiliser contre la Russie. À Lavrov évoquant le risque d’une guerre mondiale, la réponse implicite des dirigeants impérialistes est : Vous parlez de troisième guerre mondiale, c’est votre droit, mais sachez que cela ne nous intimide pas, et nous le prouvons en accroissant nos fournitures d’armes.
Ce qui a changé, entre le début de la guerre en Ukraine, fin février, et aujourd’hui, fin avril, c’est simplement le constat d’un changement de rapport entre les forces en présence avec, d’un côté, les puissances impérialistes qui arment de plus en plus l’Ukraine et, d’autre part, l’affaiblissement incontestable de l’armée du Kremlin, engluée dans une guerre qui ne dit pas son nom et que les soldats russes, pour une bonne part, mènent contre leur volonté.
Les dirigeants américains ont-ils cru que l’armée russe ne ferait qu’une bouchée de l’Ukraine ? En tout cas, au début, ils ne voyaient pas l’intérêt de s’y impliquer outre mesure. Mais cela ne changeait rien au fait qu’ils sont en permanence en train d’essayer d’affaiblir la Russie, de l’entourer de missiles et de troupes de l’OTAN.
La Russie, avec son régime que domine une caste étatique parasitaire, la bureaucratie dont Poutine est le représentant en chef, reste, malgré ses milliardaires, un État à part pour l’impérialisme. C’est un régime qui a, héritage d’un très lointain passé révolutionnaire, sinon les moyens de ses ambitions, du moins des velléités de ne pas plier inconditionnellement devant les puissances capitalistes. Ce qui oppose l’impérialisme à la Russie, en définitive, c’est la volonté du premier d’affirmer son hégémonie sur le monde entier, Russie comprise. Certes, la crise de l’économie mondiale ne l’accule pas aujourd’hui à se lancer dans une fuite en avant guerrière, même dans le cadre de sa volonté d’hégémonie, mais, comme on dit, toutes les occasions sont bonnes à prendre. Et, si l’affaiblissement de l’armée de Poutine et de son régime leur ouvre une opportunité, les dirigeants de l’impérialisme n’hésiteront pas à la saisir. Quitte, surtout si la crise du système capitaliste venait à s’emballer, à prendre le risque évoqué par Lavrov : celui de plonger le monde et ses peuples dans une troisième guerre mondiale.
Certes, il n’y a encore rien d’inéluctable à cela. Mais ce à quoi l’on assiste en Ukraine, c’est au franchissement d’un pas supplémentaire dans cette direction. Et cela doit être un signal d’alarme pour tous les peuples.