Hongkong : la contestation ne faiblit pas21/08/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/08/2664.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Hongkong : la contestation ne faiblit pas

Après plus de deux mois de mobilisation, une nouvelle manifestation, dimanche 18 août, a rassemblé 1,7 million de personnes à Hongkong. Les opposants à la politique de Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif local, ne désarment pas malgré les menaces de répression.

La révolte a été déclenchée par le rejet d’un projet de loi permettant l’extradition vers des pays tiers de personnes résidents à Hongkong, cette région administrative spéciale de 7,4 millions d’habitants, rétrocédée à la Chine en 1997. Le projet ayant été suspendu dès le 15 juin, les contestataires exigent désormais l’instauration du suffrage universel pour élire le gouvernement local. Le fer de lance de la contestation est la petite bourgeoisie hongkongaise, en particulier la jeunesse étudiante, qui défend sa liberté et plus généralement son mode de vie, qu’elle estime menacés par le régime chinois.

Hongkong, ex-colonie britannique installée dans une baie chinoise, est une place commerciale et financière majeure. Le secteur financier emploie plus de 250 000 personnes. Elle est l’une des principales portes d’entrée en Chine et en Asie, pour le capital occidental. À l’inverse, elle est un sas vers le marché mondial, pour les capitaux chinois. Les banquiers, les courtiers en assurance ou les magnats de l’immobilier dirigent ce territoire, havre pour les milliardaires et les riches touristes, y compris chinois. Mais Hongkong ne peut pas vivre sans des millions de travailleurs, des plus qualifiés, dans la finance ou l’informatique, aux plus exploités, dans la restauration, le commerce ou la construction. Le salaire de ces millions de Hongkongais est trop faible pour leur permettre de se loger dignement, dans un territoire où le prix du mètre carré a été multiplié par 400 en quinze ans. Plusieurs centaines de milliers de retraités ou de jeunes célibataires pauvres sont contraints de dormir dans des appartements-cercueils, où sont entassés des dizaines de lits superposés.

Même si la contestation actuelle porte sur des droits démocratiques, ces inégalités sociales, exacerbées par la crise économique mondiale, en constituent la toile de fond. La crainte d’une contagion, non seulement aux classes populaires de Hongkong mais surtout à l’ensemble des travailleurs chinois, confrontés à des fermetures d’usines et à un recul économique, est le cauchemar de Xi Jinping et des dirigeants chinois. Ces derniers tentent d’intimider les manifestants par divers moyens. Après avoir fait donner les gros bras des gangs des Triades, les lacrymogènes de la police, organisé des contre-manifestations bien peu spontanées, ils ont massé des troupes et des chars à Shenzhen, ville frontalière de Hongkong, laissant entendre qu’ils pourraient réprimer cette révolte comme celle de la place Tianamnen en 1989.

Si cette menace est bien réelle, les dirigeants chinois préfèreraient ne pas avoir à la mettre à exécution. Ils tiennent à maintenir un régime spécial pour Hongkong, avec son droit des affaires hérité de la période britannique, sa monnaie locale adossée au dollar américain, et son régime fiscal particulier. De leur côté, les dirigeants américains ou britanniques font mine d’afficher de la sympathie pour les contestataires ; ceux de l’Union européenne ont réclamé « un dialogue large et inclusif (…) pour désamorcer la crise ». Mais les crises politiques, qui alimentent l’incertitude, ne sont pas bonnes pour les affaires. Les actions de la banque britannique HSBC, dont le siège était à Hongkong jusqu’en 1993, ont perdu 13 % en un mois, les ventes d’assurances ont chuté de 10 à 20 % depuis le début du mouvement. Comme l’écrivait le journal Les Échos à propos des banquiers français installés à Hongkong : « Soutenir leur cause prodémocratie de manière trop visible risquerait de les mettre en porte-à-faux vis-à-vis de Pékin ; interdire à leurs employés de manifester risquerait (...) de s’aliéner une partie de leur personnel local. »

Qu’ils soient chinois ou occidentaux, les capitalistes et leurs représentants politiques voudraient que cette mobilisation s’arrête au plus vite. Outre la défense de leurs affaires ordinaires, ils craignent que l’étincelle de la contestation ne mette le feu aux barils de poudre qui se sont accumulés à travers l’exploitation de millions de travailleurs dans cette région du monde, et en particulier en Chine.

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