Molex – Toulouse : 2009, une année de lutte24/08/20162016Journal/medias/journalarticle/images/2016/08/p11_MOLEX_C_LO.JPG.420x236_q85_box-0%2C375%2C972%2C921_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Molex – Toulouse : 2009, une année de lutte

Mardi 9 août, la cour d’appel de Toulouse a jugé sans cause réelle ni sérieuse le licenciement en 2009 de 191 salariés du groupe de connectique automobile Molex et octroie 7 millions d’euros d’indemnités aux licenciés. Mais la filiale française de l’entreprise américaine, aujourd’hui en liquidation judiciaire, peut encore aller en cassation et continuer à jouer la montre.

Illustration - 2009, une année de lutte

Selon les juges, la décision de fermer l’usine, en 2009, a été prise « alors que le secteur n’était pas en difficulté » et ils rappellent que « les dividendes versés aux actionnaires ont été multipliés par six entre 2004 et 2009 ». La justice considère que les dirigeants de Molex ont agi « avec légèreté ». C’est le moins que l’on puisse dire, mais ils n’ont pas été les seuls patrons voyous !

Des licenciements sous-traités

C’est bien Labinal-Snecma qui a, en quelque sorte, sous-traité des centaines de licenciements, en préparant cela des années auparavant. En 2004, le groupe américain Molex a racheté le secteur de la connectique automobile de Labinal. Labinal, spécialisé dans le câblage, qu’il soit pour l’automobile ou pour l’aéronautique, avait scindé ses activités en plusieurs établissements dans la région. Les usines Labinal de câblage automobile de ­Cahors et de Labastide-Saint-Pierre ont été vendues à Valeo, qui les a fermées l’année d’après, en mettant à la rue près de 1 000 travailleurs. La connectique automobile de l’usine Labinal de Villemur a, elle, été vendue au groupe Molex, avec ses près de 300 travailleurs. Les 700 autres travailleurs de l’usine, travaillant dans les secteurs aéronautiques, restaient Snecma-Labinal.

Quatre ans plus tard, fin 2008, les dirigeants de Molex ont décidé de fermer leur unité de Villemur, après avoir récupéré les brevets, la technologie et le carnet des clients, ce qui leur a permis de doubler leurs parts de marché en Europe, devenant même le n°2 des fournisseurs de Peugeot.

À l’époque de l’annonce de la fermeture de Molex, Estrosi, ministre de Sarkozy, s’était dit choqué par l’attitude des dirigeants de Molex. Et le même Estrosi avait essayé d’embobiner les travailleurs avec un soi-disant repreneur, puis avec des reclassements miracle. Bernard Thibault, venu à Toulouse, avait assuré aux travailleurs de Molex que Sarkozy suivait l’affaire de très près et avait vanté la possibilité d’une reprise partielle de l’usine. Pour la direction de la CGT, il n’était alors question que de « politique industrielle » et d’« États généraux de l’industrie » sous les auspices des préfets. En fait de reprise de l’usine Molex, seuls une quarantaine de salariés ont continué l’activité sur le site, avec un repreneur quasi fictif qui empocha quelques primes au passage, laissant l’immense majorité du personnel sur le carreau.

Un an de tension

Entre l’annonce et la fermeture de l’usine, il s’est écoulé près d’une année, ponctuée par des appels à la justice de la part des syndicats, et par des manifestations de protestation. La plus impressionnante se déroula le 6 novembre 2008, à l’initiative de l’intersyndicale et de la municipalité socialiste de Villemur-sur-Tarn. Trois à quatre mille personnes se sont retrouvées derrière les banderoles et pancartes des travailleurs de Molex et Labinal, dans cette petite ville de six mille habitants, Des délégations d’entreprises de la région aux enfants des écoles, des commerçants aux employés municipaux, toute une population a manifesté.

Après avoir épuisé les démarches juridiques, les espoirs d’un « bon repreneur », voire la création d’une Scop, l’intersyndicale appela finalement à la grève. C’était en juillet 2009, à la veille de la fermeture. Mais, durant tous ces mois, elle ne s’adressa jamais aux travailleurs de Labinal qui travaillaient sur le même site, et qui débrayèrent pourtant à plusieurs reprises. La grève dura cinq semaines, ponctuée par les provocations du patron. Les 280 travailleurs de Molex se sont vu ensuite interdire l’entrée de l’usine. Bien que la justice ait condamné cette interdiction, le patron a maintenu son lockout avec des dizaines de vigiles qui gardaient l’accès de l’usine.

Finalement, lors d’un vote à bulletin secret, le 15 septembre 2009, une majorité de travailleurs acceptaient, la rage au ventre, le plan social, c’est-à-dire le diktat du patron soutenu par le gouvernement de l’époque, par 140 voix contre 74, manifestant leur lassitude et leur volonté d’en finir.

Sept ans après, la justice condamne donc à nouveau Molex, mais les licenciements ont bien eu lieu. Une vingtaine de travailleurs demeurent dans une extrême précarité et survivent grâce au RSA ; de nombreux autres n’ont toujours pas d’emploi stable. Comme le dit un syndicaliste, c’est une victoire qui a un goût amer.

À l’automne 2009, le bulletin Lutte ouvrière paraissant chez Labinal-Molex affirmait, en faisant le bilan de cette année de lutte : « Même si nous n’avons pas obtenu ce que nous voulions, notre mobilisation n’aura pas été inutile : on a gagné un peu de temps et un peu d’argent. Mais aussi autre chose : la fierté de ne pas se laisser faire, de ne pas se résigner à subir la dictature des capitalistes. Et ç’a n’a pas de prix ! … Notre force c’est aussi d’appartenir à une classe sociale, la classe ouvrière. Alors, tous pour un, un pour tous ! »

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