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La société en crise
Télétravail : comment les patrons en profitent
Édouard Philippe l’a dit et redit, le télétravail devra être maintenu partout où c’est possible. La ministre Muriel Pénicaud en rajoute, le présentant même comme la solution aux problèmes des transports de la région parisienne.
Le manque de masques, la crainte des transports en commun, la méfiance vis-à-vis des patrons quant à faire le nécessaire en matière de sécurité sanitaire à l’intérieur des locaux, l’impréparation du gouvernement, tout cela joue en faveur du télétravail… quand il est proposé.
Car la majorité des salariés ne sont pas concernés. En plus de tous ceux qui n’ont jamais cessé de travailler en « présentiel », ce sont tous les ouvriers de l’industrie, les employés des commerces aujourd’hui fermés, les enseignants du primaire puis des collèges, les agents des collectivités territoriales, les ouvriers du bâtiment et des travaux publics… soit des millions de travailleurs qui sont obligés de retourner physiquement au travail.
Mais pour tous ceux que les patrons obligent à télétravailler, ce n’est pas une sinécure. Ceux qui ne l’avaient jamais fait ont dû se dépêtrer tout seuls.
Comment faire coexister, dans son logement, travail et vie personnelle, charge des enfants et coups de téléphone, visioconférences et préparation des repas pour la famille, apprentissage de nouveaux outils informatiques et pression des chefs ?
Dans l’urgence, les directions ont aussi fait disparaître le « droit à la déconnexion » et les belles règles théoriques qui devraient régir le télétravail. À la Caisse d’assurance maladie de l’Île-de-France, certains cadres se sont permis de donner aux assurés le numéro de téléphone personnel de certains agents, sans leur demander leur avis.
Dans bien des cas, le remboursement des frais téléphoniques ou d’Internet n’est pas prévu. Nokia, multinationale de télécommunications, ne remboursera rien, sauf à ceux qui étaient déjà auparavant en télétravail.
Avec le travail à distance, les patrons réussissent à faire des économies, parfois mesquines. Certains ne payent plus de primes repas. Nokia fait des économies sur le ménage, la maintenance, l’énergie en fermant plusieurs bâtiments sur son site de Nozay. Des dessertes en navette sont supprimées, des cantines fermées…
Parfois même, certaines sociétés profitent de l’aubaine pour mettre leurs salariés simultanément en télétravail et en chômage technique.
De manière générale, la plupart des patrons ne se plaignent pas du télétravail, car ils veillent à ce que l’intensité et la productivité soient au rendez-vous. Une entreprise de systèmes informatiques impose à plusieurs centaines de salariés deux jours de télétravail, suivis obligatoirement de trois autres jours en congés, RTT ou jours pris sur le compte épargne-temps. Résultat, les salariés travaillent d’arrache-pied pour assurer le suivi, car il est impossible de faire le travail en deux jours. Des sociétés sous-traitantes imposent à leurs informaticiens de travailler tous les jours jusqu’à 19 heures, voire plus. Chez Nokia, c’est visioréunion sur visioréunion, même le vendredi à partir de 17 heures, pour maintenir la pression. Les résultats du premier trimestre 2020 sont d’ailleurs, d’après la direction, satisfaisants.
Car les résultats sont là : les banques, les assurances, les Netflix et toutes les grandes sociétés qui peuvent faire télétravailler leurs salariés s’en sortent bien jusqu’à présent.
Alors que le gouvernement veut présenter le télétravail comme une « chance » pour les salariés, c’en est surtout une pour les actionnaires.