ZFE : les pauvres interdits de voiture ?28/12/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/12/2839.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

ZFE : les pauvres interdits de voiture ?

Entre l’interdiction des véhicules considérés comme polluants dans un nombre croissant d’agglomérations et l’explosion des prix des véhicules neufs ou d’occasion, la voiture devient un produit de luxe.

Instaurées en 2019, les zones à faibles émissions (ZFE) limitent ou interdisent la circulation des véhicules les plus polluants. Actuellement, elles sont déjà mises en place dans onze agglomérations, parmi les plus importantes du pays. D’ici fin 2024, 43 autres devront les avoir mises en place. La loi de 2021 prévoit, sauf amélioration très improbable de la qualité de l’air, que les véhicules Crit’Air 5 seront automatiquement interdits en 2023, les Crit’Air 4 l’année suivante et les Crit’Air 3 en 2025. Ces trois catégories représentaient l’an passé près de 38 % du parc total, évidemment les véhicules des milieux les plus populaires. Le gouvernement, père Noël des riches et père Fouettard des classes pauvres, a d’emblée prévenu que des contrôles et des amendes automatiques seront mis en place dès 2024.

La voiture individuelle est bien souvent le seul moyen de locomotion de familles ouvrières, le seul moyen de se rendre au travail et d’avoir une vie sociale. En effet, il y a bien longtemps que la spéculation immobilière et la faiblesse des salaires les ont éjectées des centres-villes et les ont exilées toujours plus loin de leur lieu de travail.

Le caractère polluant et dangereux de la circulation automobile est incontestable. Mais qui en porte la responsabilité, sinon une organisation économique et sociale aberrante ? ­Incapable de développer et même d’entretenir un réseau fiable et bon marché de transports en commun, et d’empêcher cet éloignement domicile-travail, le capitalisme a rendu indispensable pour les travailleurs la possession d’un véhicule, voire de deux dans certains ménages. 84 % des familles ont au moins une voiture, contre 50 % en 1968.

En même temps que le gouvernement contraint les utilisateurs à mettre à la casse un véhicule qui roule encore, les trusts de l’automobile opèrent un véritable racket. Ils assument totalement de ne plus chercher à conquérir des parts de marché par une quelconque guerre commerciale et de se consacrer aux modèles les plus chers et les plus rentables, destinés aux plus fortunés. Il s’agit de combiner chute des ventes et croissance des bénéfices. Le marché de l’occasion suit cette hausse des prix, rendant impossible l’achat d’un véhicule un peu récent aux travailleurs dont le salaire est bloqué.

La boucle est ainsi bouclée d’un monde qui rend impossible la vie de ceux qui, pourtant, le font fonctionner.

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