Industrie de la volaille : procès d’un esclavagiste28/12/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/12/2839.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Industrie de la volaille : procès d’un esclavagiste

Jeudi 15 décembre, au Mans, le procès d’un petit patron sarthois a mis en lumière les pratiques patronales dans l’industrie de la volaille.

Patron d’une entreprise de ramassage de volailles et de nettoyage de locaux située en Sarthe, il était jugé pour traite d’êtres humains, rétributions inexistantes de personnes vulnérables ou dépendantes, travail dissimulé, soumission de personnes vulnérables ou dépendantes et conditions d’hébergement indignes…

Une enquête de l’inspection du travail a révélé que l’employeur promettait aux salariés des contrats de travail à durée indéterminée et des rémunérations supérieures à celles qu’ils recevaient réellement, les maintenant délibérément sous son emprise et dans la précarité.

Les travailleurs embauchés étaient tous en situation de vulnérabilité et de dépendance économique. Certains ne savaient ni lire ni écrire, d’autres n’avaient pas de titre de séjour, certains jeunes étaient en rupture familiale et sociale, ou sous curatelle. Ayant des difficultés à trouver un emploi, ils étaient contraints d’accepter les conditions de cette entreprise. Ce patron employait par ailleurs des travailleurs roumains, recrutés en faisant appel à un passeur, auquel ils devaient verser une partie de leur salaire. Ils étaient logés dans des mobile homes insalubres situés sur un terrain appartenant à l’employeur.

Le ramassage des volailles est un travail aux conditions très difficiles : travail de nuit, contaminations, griffures, morsures, infections… Et bien sûr, aucune règle de sécurité n’était respectée. Le patron fournissait trop peu d’équipements de protection individuels, contraignant ses salariés à porter leurs propres vêtements, sans leur permettre de se changer, ni se désinfecter. Ils n’avaient pas accès à l’eau courante et ne disposaient que d’une toilette sèche extérieure et sans toit.

Toutes et tous se voyaient appliquer une règle commune : on ne leur payait, au mieux, que la moitié de leurs heures de travail ! Avec de tels salaires, les travailleurs se retrouvaient sous le seuil de pauvreté.

Ce personnage a finalement écopé de trois ans de prison dont deux ferme, mais a été relaxé du chef d’accusation de traite d’êtres humains. Comme l’a souligné l’avocate du syndicat CGT, constitué partie civile, les grands absents de ce procès étaient les donneurs d’ordres. Car, comme le soulignait benoîtement ce patron, il ne comprenait pas pourquoi lui serait condamné alors que tous les ramasseurs – une quinzaine d’entreprises dans la Sarthe – procèdent comme lui. Il est donc impossible aux grands acteurs de la filière avicole d’ignorer les conditions de travail infâmes que leurs sous-traitants appliquent.

Il est d’ailleurs notable que la procédure des agents de l’inspection du travail n’a pas reçu le moindre soutien de leur hiérarchie, qui a freiné des quatre fers dans ce dossier. La direction du travail locale a plutôt tout fait pour éviter d’impliquer les mastodontes de la filière, comme Lamber Dodard Chancerel et consorts, dans ce scandale. Une preuve de plus, malgré l’implication des inspecteurs du travail qui ont porté ce dossier, que les travailleurs les plus exploités devront s’organiser eux-mêmes pour se faire respecter.

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