Grande-Bretagne : deuil national et trêve sociale14/09/20222022Journal/medias/journalarticle/images/2022/09/P8-1_Roi_Charles_ok_Lupo.jpg.420x236_q85_box-0%2C115%2C417%2C349_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : deuil national et trêve sociale

« Suite à l’annonce de la très triste nouvelle du décès de la reine, par respect pour sa famille et pour les services qu’elle a rendus au pays, le syndicat a décidé d’annuler la grève prévue demain. » C’est le communiqué envoyé jeudi 8 septembre au soir par Dave Ward, le secrétaire national du syndicat des postes et télécommunications, le CWU.

Illustration - deuil national  et trêve sociale

Au même moment, Mick Lynch, le secrétaire national du syndicat du transport, écrivait : « Le RMT se joint à la nation tout entière pour rendre hommage à la reine Elizabeth. La grève du rail prévue les 15 et 17 septembre est suspendue. Nous exprimons nos condoléances les plus sincères à sa famille, à ses amis et au pays. »

Il y a là de quoi attrister bien des postiers et cheminots, qui par dizaines de milliers ont fait grève cet été pour des hausses de salaire et se réjouissaient à l’avance de se manifester de nouveau ! Mais ces messages sont révélateurs de la fonction de la monarchie : au nom de la sacro-sainte « unité nationale », les travailleurs sont priés de se taire, comme si pendant les dix jours de deuil officiel, les capitalistes allaient cesser, eux, de mener la lutte de classe.

Ces communiqués sont aussi et surtout révélateurs de la nature profonde des appareils syndicaux et de leurs dirigeants. S’ils peuvent à l’occasion se montrer combatifs, ils sont aussi très respectueux du système. Ils se voient comme des avocats de la classe ouvrière auprès du gouvernement et des employeurs, mais ne militent pas pour que les travailleurs eux-mêmes prennent leurs affaires en main, et n’ont donc pas eu d’états d’âme à annuler des mouvements pour lesquels les syndiqués avaient voté très majoritairement depuis des semaines. Et quel meilleur moyen de rappeler qu’ils ne sont pas des jusqu’au-boutistes mais des interlocuteurs de bon aloi, pénétrés d’un respect profond pour l’ordre établi ?

Sur le plan du conformisme, les dirigeants de la gauche n’ont rien à envier à ceux des syndicats. Pas un député travailliste n’a refusé de porter un brassard noir dans l’enceinte de la Chambre des communes en signe de deuil, ni bien sûr de jurer allégeance au nouveau roi Charles III. Fidèle à lui-même, le chef du Labour Party, Keir Starmer, qui refuse que ses camarades de parti se rendent sur les piquets de grève, a rendu un hommage dégoulinant de déférence à la famille royale. Quant à son prédécesseur, Jeremy Corbyn, voici son tweet : « J’aimais beaucoup parler famille, jardinage et confitures avec elle. Qu’elle repose en paix. » Que voilà l’incarnation d’une gauche « radicale » !

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